• Nombre de visites :
  • 604
  • 29/10/2014
  • Date :

Les traductions en français du Coran (1)

coran

   Après avoir passé en revue les trois versions latines médiévales du Coran qui ont directement et indirectement impressionné la vision des orientalistes et des chrétiens, nous voudrions poursuivre cette étude en évoquant de façon succincte l’histoire des traductions françaises du Coran en nous basant sur les résultats de l’étude d’un français islamologue et arabisant, Yahyã ‘Alavi (C. Bonaud), réunis dans son article sommaire et synthétique intitulé «Y aura-t-il alors quelqu’un qui se rappelle?».

L’histoire des traductions modernes du Coran, comme celle de toute autre œuvre littéraire et surtout tout autre livre saint consiste dans le parcours de nombreux chercheurs et auteurs pour concilier la parole et la manière de dire, le contenu et la forme, la signification et la structure, bref, le cœur et l’écorce.

   La première traduction complète du Coran en français fut celle d’André du Ryer, effectuée en 1647. Le traducteur connaissait également le persan et le turc. Il s’agit d’une version qui n’était point à la hauteur, mais constituait un progrès remarquable dans la traduction du Coran en langues occidentales, et a servi de base à de nombreuses autres traductions. Dans l’ensemble, cette traduction connut un vif succès.

   Un siècle et demi après la publication de la version du Ryer, ce fut Claude Savary qui, en 1783, réalisa une nouvelle traduction non pas sans défaut, où, s’étant inspiré des idées de Voltaire, il prit souvent le parti de l’islam contre le christianisme. Cette œuvre fut accueillie chaleureusement et rééditée à plusieurs reprises.

   La traduction du Coran dominant le XIXe siècle français est celle élaborée par Kasimirski (ou Kazimirski), aristocrate polonais francophone. De son nom complet, Albert Kasimirski de Biberstein était un orientaliste d’origine hongroise qui vécut de 1808 à 1887, année de sa mort à Varsovie. Arabisant et iranisant, il était drogman de la cour française et fut attaché de la Mission en Perse pendant quelque temps. Auteur d’un grand dictionnaire arabo-français en deux tomes (toujours valable et réédité), il fut le premier traducteur et l’introducteur du poète naturaliste iranien, Manouchehri Damghãni en France.

Sa traduction du Coran, rééditée une trentaine de fois, toujours réimprimée, d’une lecture aisée, possède une langue élégante, mais sacrifie cependant la fidélité exigée par une telle œuvre. D’après Régis Blanchère, « elle constitue une honorable vulgarisation du texte coranique, destiné à un lecteur peu exigeant.»

   Il convient également d’aborder sommairement les traductions du texte coranique en français réalisées au vingtième siècle, siècle dont la première moitié fut témoin de trois versions successives: la première, celle d’Edouard Montet, l’ancien-recteur de l’Université de Genève, parut en deux volumes en 1929 ; la seconde représente la première tentative musulmane pour proposer une traduction acceptable en langue française de leur Livre saint. Réalisée conjointement par Laïmèche et Bendaoud, cette traduction fut publiée en 1931 en Algérie; la troisième, publiée en 1936 à Rabat, est la version conjointement réalisée par un Français et un musulman, Pesle et Tidjani.

   Selon C. Bonaud (‘Alavi), aucune de ces trois traductions n’est parvenue à dépasser, ni même à remplacer la version de Kasimirski. Cependant, la deuxième moitié de ce dernier siècle commence avec la publication en deux versions successives du Coran en français, les deux réalisées par Blanchère. Il s’agit selon Bonaud d’une véritable «traduction de philologue » qui a fait école et a laissé son empreinte sur toutes les traductions postérieures du Coran en langue française. Bien qu’il s’agisse, selon le même chercheur, d’une traduction littérale marquée par une sécheresse qui n’est pas un trait stylistique du Coran, cette double version fut un franc succès.

«Ainsi, la traduction de Blachère est souvent un modèle de rigueur grammaticale et philologique qui tranche radicalement sur le flou artistique des précédentes», estime Bonaud, avant d’évaluer positivement l’usage des crochets par le traducteur pour marquer ses ajouts. Enfin, cette traduction peut être considérée comme le contraire de celle de Kasimirski dans le sens où celle-ci est plutôt libre et poétique, tandis que la version de Blanchère est une œuvre de grammairien et de philologue.

   Après la traduction minutieuse mais trop ponctuelle de Blachère, la traduction française la plus admirée est l’œuvre de Mohammad Hamidullãh, qui parut en 1959. Fruit du travail d’un professeur musulman-indien vivant en France, cette version jouit d’une rigueur philologique et d’une fidélité exemplaire à la tradition islamique, et est comparable avec l’œuvre de Blachère. Cependant, évalue Bonaud, «en raison de la médiocrité de sa connaissance du français, sa traduction, plus correcte au niveau du sens, sera encore plus littérale et illisible que celle de son prédécesseur». Cela n’a pas empêché que l’ouvrage fût vastement lu et apprécié par les musulmans francophones.

Source:

- ‘Alavi, Yahyã (C. Bonaud), «Y aura-t-il alors quelqu’un qui se rappelle?», version numérique datée du 07.01.2002.

Articles Relatifs:

Un éminent savant musulman du XXe siècle

Comment faire connaissance avec le Coran?

Présentation du Saint Coran (8)

  • Imprimer

    Envoyer à un ami

    Commenter (0)