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  • 29/7/2008
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Oisillons

un moineau

En ma troisième année de l’école, un beau jour, après les vacances de Norouz, rentrant à la maison, mon ami Mohammad me tira par la manche me disant :

- Ecoute, un moineau a fait son nid dans le couloir de l’école.

- Et alors ?

-Comment «et alors »? n’est-ce pas joli de voir des oisillons ?

 Piqué d’une vive curiosité :

-Montre les -moi, lui demandai-je.

-Viens, je vais te les montrer.

Je le suivis et nous entrâmes dans le couloir. Là, il me montra un nid accroché au plafond.

-Il est trop haut pour qu’on puisse y toucher, lui dis-je.

-Si on avait une échelle !

Les élèves étant partis, nous étions seuls, Mohammad et moi.

Alors Mohammad scrutant le couloir me dit: « Je sais ce qu’on va faire. »

Nous nous dirigeâmes vers l’endroit où se trouvait le nid et il me fit la courte échelle en disant : « Si tu montes sur mes épaules, tu pourras peut-être l’attraper

un oisillon

C’était passionnant. Je n’avais jamais vu d’oisillons de moineau. L’idée était bonne; je grimpai donc sur les épaules de Mohammad, me redressant contre le mur. Je n’ai pas réussi cependant à atteindre le nid. Je me tins alors sur la pointe des pieds, je perdis l’équilibre, Mohammad ne pouvant plus me retenir, je tombai de tout mon long sur le sol du couloir.

Attends, tu vas voir, me dit Mohammad, et il lança son cartable en direction du nid. Sans résultat. J’en fis autant. Le nid se défit et tomba d’en haut. Effarouché, le moineau s’envola d’un coup d’aile. Ses deux oisillons gisaient à terre. Leurs petits corps étaient recouverts d’un duvet à peine visible. L’un s’affaissa: il était mort. La mère poussait des cris stridents en regardant son nid détruit et ses petits morts ou mourants.

un enfant apeuré

J’avais très peur. Mohammad ne savait que faire. Il regarda les oisillons et les larmes lui montèrent aux yeux. J’ai eu honte de ce que je venais de faire. Sur ces entrefaites, Asghar-Baba, le gardien de l’école arriva. Il avait été attiré par le bruit. Lorsque Mohammad le vis, il prit la fuite. Je ne pus en faire autant: j’étais comme cloué au sol. Sur le champ, Asghar-Baba se rendit ce qui s’était passé.

-C’est du beau ça! Qu’est-ce que tu fous là ?

C’était comme si j’avais avalé ma langue.

C’est à toi que je parle! Est-ce toi qui as fait ça? Répéta-t-il. Relevant la tête, et je lui regardai dans les yeux.

-Oui, c’est moi … Mais c’est Mohammad …

-Tais-toi !

Asghar-baba s’empara de mon cartable et le flanqua contre la porte.

-Fiche le camp!

Je sortis du couloir. Dans la cour, je retrouvai Mohammad.

- Tu t’es fais battre par Asghar-Baba?

-Ca ne te regarde pas.

-Ne te fâche pas, je voulais simplement savoir.

C’est fini entre nous. Tout ça, c’est de ta faute …

Je ne pus plus continuer. Quelqu’un venait de me prendre par la main. Je me retournai, c’était bien  Asghar-Baba .

-Voyons voir !

Il me tint à l’écart, j’eus peur. Je crus qu’il allait me conduire chez le proviseur. Il s’aperçut de  ma crainte.

-Suis-moi, me dit-il, n’aie pas peur ! J’ai quelque chose à te montrer.

Il me conduisit dans le couloir. Chose bizarre: le nid était replacé au plafond !

-Tu vois, me dit Asghar-baba, en fait, j’ai pris une échelle et j’ai remis le nid à sa place. Mais je ne sais pas si le moineau y reviendra. Quand on leur fait mal, ils s’en vont pour toujours.

J’avais tellement honte de moi! je ne savais plus quoi faire.

-Asghar-Baba , ce n’est pas de ma faute, lui dis-je. C’est Mohammad qui a entraîné mes pas dans cette affaire.

-Mon petit, il ne faut jamais suivre les mauvais conseils. D’abord, je voulais te dénoncer au proviseur, mais je ne l’ai pas fait. J’ai préféré te demander la cause de cette attitude. Il est fort injuste mon petit, de tuer les pauvres oisillons. N’oublie surtout pas ceci : nous sommes là pour construire et non pas pour détruire !

 

Seyed Djafar Hakim

Université Azad Islamique de Tabriz

Source:Revue Le Pont, N:2, été 2007, PP.18-19.

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