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  • 18/1/2009
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Crise financière (18): le système financier en Iran

le système financier en iran

   Avant d’aller plus avant dans la définition d’un système financier islamique, il paraît utile de s’intéresser au modèle iranien. L’Iran est le seul pays à avoir converti entièrement son système financier en un système non-usuraire, entendez un système financier dans lequel les transactions impliquant le mécanisme de l’intérêt, c"est-à-dire l’usure, sont interdites. Il existe une tentative pakistanaise et soudanaise vers la conversion, avec une cohabitation avec le système conventionnel.

Nous avons parlé du caractère systémique d’un système financier islamique. Il s’agit, en effet, de sortir du point de vue traditionnel donné par une appréhension spécifique de la jurisprudence islamique, qui ne voit les questions que sous l’angle individualiste et a-systémique. 

   L’histoire de la jurisprudence islamique montre un rétrécissement, comme souligné par nombre de grands jurisconsultes musulmans, au niveau des sujets abordés et également de la vision portée par le jurisconsulte sur son effort de déduction jurisprudentielle. Pourquoi, en effet, exclure du travail juridique les sujets liés à l’administration publique, la géopolitique, l’économie. Lors de la victoire de la révolution islamique en Iran sur le Shah  Pahlavi, les élites révolutionnaires étaient encore pétries par cette vision traditionnelle et individualiste de la jurisprudence islamique. C’est pourquoi on ne peut que constater l’immixtion dans leur réflexion théorique de concepts, tirés d’autres substrats intellectuels que l’Islam. A cette incohérence théorique, fort compréhensible au demeurant,  répond une incohérence pratique, qui se fait jour dans les projets de lois adoptés par le Parlement. Même si la rédaction de la Constitution iranienne est un relatif succès, il n’en va pas de même de toutes les lois adoptées par le Parlement depuis. Plus encore, la pratique politique et administrative s’avère souvent colorée par l’héritage prérévolutionnaire.

Au niveau économique, l’establishment révolutionnaire avait une vision majoritairement étatiste de l’économie: l’économie est avant tout au service de la nation, une approche encore renforcée par l’économie de guerre, venant se superposer aux décisions prises immédiatement après la révolution.

   L’article 44 de la Constitution iranienne stipule expressément que le secteur bancaire, à côté d’autres secteurs stratégiques, est nationalisé. Gageons pour l’instant que l’approche générale du législateur iranien dans les premières années de la révolution était étatiste mais une nouvelle lecture de l’article 44 s’impose progressivement, sous l’impulsion du guide suprême de la Révolution, en faveur de la privatisation.

Nationalisation du système bancaire

   La loi de 1358 (1979) nationalise le système bancaire et fusionne nombre de banques entre elles. Des considérations pratiques autant que théoriques ont motivé la décision de nationaliser le secteur

loi

: des retraits massifs de capitaux, la chute du rial, la nécessité de relancer l’activité industrielle, le désir de renforcer le secteur agricole ont chacun contribué à la décision. Le secteur bancaire s’en trouve profondément modifié mais la structure financière et le mode opératoire  du secteur financier restent inchangés. La loi d’août 1983 constitue le véritable tournant pour le système bancaire iranien. Il ne fait aucun doute que le vote de cette loi, en pleine guerre avec l’Irak de Saddam Hussein, fut une étape décisive et courageuse pour le pays. Avec du recul toutefois, la loi ne manque pas d’insuffisances. Elle reprend l’objectif révolutionnaire d’établir la justice sociale et économique, sur la base des recommandations jurisprudentielles. Le secteur bancaire y est présenté au service de la nation, avec pour principal objectif la restructuration de l’économie.

 La fin des transactions usuraires y est décrétée et un modèle bancaire présenté, reposant sur une double relation juridique entre déposants, banque et investisseurs.

   Du côté de la collection de capitaux, la banque est débitrice du déposant, qui devient son créancier. La banque est autorisée à ouvrir des dépôts d’épargne, sous forme de prêt de bienfaisance (gharz al hasana) ou des dépôts d’investissement, sous forme de dépôts d’investissement à court ou long terme. Du côté de l’allocation des ressources, la banque se fait l’agent des déposants pour allouer les capitaux envers les projets à financer. On voit que le rôle principal du secteur bancaire reste l’intermédiation entre déposants et investisseurs.

   Bien entendu, le premier investisseur iranien reste, de très loin,  l’Etat. Du fait de leur maigre capitalisation, les banques iraniennes sont dépendantes de l’argent des déposants, d’autant plus que les réserves réglementaires sont d’un niveau élevé (30% les premières années passées à environ 15% du volume de crédit à l’heure actuelle), ce qui explique d’une certaine manière le nombre élevé d’agences, mise à part l’exigence de développement territorial. 

Les banques iraniennes sont d’ailleurs soumises à une obligation légale d’allocation sectorielle incluse dans le budget annuel de l’Etat.

   Une fois prises en compte l’allocation sectorielle légale, la politique d’investissement gouvernementale et les réserves réglementaires, les banques iraniennes ne peuvent, au plus, que décider de leur politique d’investissement sur 15 à 20% du volume total des crédits alloués. Heureusement, les statistiques sur l’intermédiation bancaire, le nombre de comptes bancaires ou le volume d’argent déposé montrent que la confiance des déposants iraniens n’a pas diminué avec la nationalisation, pas plus qu’elle ne diminua avec l’islamisation de la loi de 1983. 

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