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  • 13/3/2010
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Le non-dit du traitement institutionnel de la question de l’Islam en Occident

Par la rédaction

   Malgré un titre ambitieux, nous cherchons, dans ce court article d’opinion, à mettre à jour les différentes dimensions de la question de l’Islam en Occident, à travers le prisme particulier du régime politique français. La question de l’Islam n’est pas nouvelle, contrairement à ce que tentent de nous faire accroire certains spécialistes. Ce qui est fondamentalement nouveau, c’est sa dimension envahissante. Les musulmans français, tout comme leurs compatriotes non-musulmans, ne cherchent pourtant que sérénité et épanouissement social!

arrivée des musulmans en afrique du nord en 1609

   Si l’on veut bien faire un retour en arrière, en effet, la question de l’Islam était devenue relativement secondaire pour les sociétés européennes, depuis la chute de Grenade le 2 janvier 1492 pour les pays latins, et depuis l’échec du siège de Vienne le 12 septembre 1683  et surtout le traité de Karlowitz du 21 janvier 1699 pour les pays d’Europe de l’Est.

le siège de vienne par les ottomans (1683)

   Notons toutefois que la chute des dynasties musulmanes d’Espagne s’accompagne d’une recrudescence de l’intolérance religieuse, qui touche immédiatement les juifs forcés à la conversion ou à l’exil en 1482 pour l’Andalousie, puis mars 1492 pour Séville en particulier, puis les musulmans de Séville en 1499, en contravention avec le traité de reddition signé avec le dernier calife nasride d’Andalousie Boabdil (Abu Abdillah de son vrai nom). L’inquisition espagnole est née en novembre 1478 afin d’unifier le royaume dans la foi catholique. L’Inquisition, de l’avis des universitaires spécialistes de la question comme le toulousain Bartolomé Bennassar, est donc un puissant instrument d’unification politique aux mains du Royaume de Castille.

autodafé sur la plaza mayor de madrid, francisco ricci, 1683.

   La question de l’Islam reprend une importance relative lors des entreprises d’invasions coloniales: Napoléon en Egypte (1799), conquête de l’Algérie (23 décembre 1847), etc…

la reddition d’abd el-kader, le 23 décembre 1847 par régis augustin.

   Il s’agit dès lors de définir la méthode efficace d’administrer des populations de foi musulmane. Inutile de rappeler que cela n’a pas été facile pour le colon européen chrétien, puisque sa présence s’est soldée en définitive par un retrait unilatéral dans les années suivant la seconde Guerre mondiale. Il y a eu un interlude de relatif apaisement depuis l’indépendance de l’Algérie en 1962 jusqu’à la Révolution Islamique en Iran en février 1979. Le régime Islamique Iranien, bien qu’éloigné des frontières européennes et de son pré carré méditerranéen, n’en finit pas de heurter les sensibilités néocoloniales de ces pays et de bousculer le statu quo installé par le traité de Sykes-Picot au Moyen-Orient depuis les années 1920, puis par la rencontre de Téhéran de 1943, enfin par le Traité de Bagdad de 1955. Depuis la chute du Communisme russe, le Monde musulman, qui est aussi le Monde du pétrole brut, est devenu le point de mire prioritaire des puissances occidentales. Les guerres par procuration (proxywars) ne se comptent plus: conflit israélo-palestinien, Irak-Iran, Irak-Koweit, Aghanistan, etc. Plus près de chez nous, parlons de la guerre civile algérienne suite à l’annulation par la junte militaire algérienne de l’élection démocratique du Front Islamique du Salut en 1989, qui a également eu des retentissements internationaux notamment sur le traitement institutionnel et médiatique de la question musulmane en France.

Enfin, il n’échappe à personne que le Mossad et la CIA œuvrent en secret pour manipuler médiatiquement cette question et ont mis en place un réseau de journalistes aux ordres pour faire passer des messages tendancieux, comme lors de l’affaire des caricatures, qui fut lancée par des journalistes connus pour leurs sympathies américano-sionistes. 

   Par conséquent, il serait bien naïf de penser que le traitement interne de la question de l’Islam en France et dans le reste des pays européens, soit indépendant des questions géopolitiques qui l’animent et la hantent à son corps défendant. D’ailleurs, les autorités françaises font-elles autre chose qu’entériner ce constat quand elles confient au pouvoir consulaire de pays musulmans « amis » la gestion intérieure de leur communauté musulmane ? Volo non volo, les musulmans de France sont prisonniers de calculs politiques internationaux et de compromis diplomatiques formés d’une manière qui leur échappe complètement. Les communautés islamiques vivant dans les pays européens payent très cher la facture laissée par la faiblesse géopolitique des états musulmans sensés, aux yeux de beaucoup, défendre leurs droits contre les inévitables abus du plus fort, et par l’absence d’un ordre international établi depuis la chute du Mur de Berlin en novembre 1989. C’est pourquoi l’on trouve que les musulmans minoritaires des pays européens sont si attachés à l’ordre international, aux droits fondamentaux de l’Homme, qu’ils voient bafoués continuellement à Abu Ghurayb et Guantanamo entre autres, et à une certaine modération politique. Ils sont de ce fait acquis aux vertus du régime démocratique, plus sûrement qu’une frange importante de la classe politique européenne pourtant responsable en apparence, de le soutenir coûte que coûte. 

En définitive, le caractère géopolitique de cette question est l’aspect le plus déterminant des orientations données à la question de l’Islam de France. Mais l’on peut se demander alors : comment se fait-il que ce rapport quasi automatique soit fait entre la question interne de l’Islam de France et l’état des relations diplomatiques qu’entretient la France avec le Monde musulman?

   C’est ici qu’interviennent deux aspects essentiels du problème: d’abord les musulmans français sont majoritairement issus de l’immigration. Ils détiennent souvent la double nationalité ou en tous les cas, conservent des liens familiaux et affectifs avec leur pays d’origine. C’est un fait qu’il convient d’admettre comme tel et il n’y a guère de solution à cela, si ce n’est l’intégration progressive des populations immigrées à la société d’accueil. Deuxièmement, l’imaginaire collectif français et européen assimile le musulman à l’étranger, au barbare grec. Et c’est là qu’un travail culturel de profondeur s’avère nécessaire pour changer cette équation qui ne semble porter en elle que mauvais présages et prédictions de Cassandre.

   De tout cela, tout acteur musulman cultivé et tout intellectuel musulman averti est parfaitement conscient. Le marathon dans lequel ils se sont engagés s’en trouve d’autant plus épique. Ces gens ont engagé un duel avec l’Histoire et avec le temps, pour démontrer qu’un Islam sédentaire et proprement domestique est possible. Mais du point de vue musulman, cela n’est pas sans problème car cette question sous-tend, pour les musulmans et eux-seuls, d’en résoudre une autre d’une importance plus grande encore. Il s’agit de déterminer en quoi et comment la communauté musulmane en France, en Europe et domiciliée plus généralement dans les pays non-musulmans (c"est-à-dire majoritairement non-musulman), définit sa relation politique avec l’autorité politique. Cela peut paraître évasif à première vue, mais de la résolution de cette question dépend la réussite de l’intégration des musulmans en France. Pourquoi ne pas supposer, par exemple, que le problème manifeste d’intégration des musulmans vivant en France, en particulier chez les jeunes des banlieues, ne viendrait pas du caractère non-résolu de cette question. A l’aide d’une relation apaisée avec le pouvoir politique, les musulmans pourraient alors renforcer leur effort sur eux-mêmes, c"est-à-dire s’efforcer de s’intégrer au mieux dans le tissu national pour s’y diffuser pacifiquement et contribuer de leur mieux au progrès de leur pays.

l’islamophobie en france: une menace croissante pour la france

    Il ne faut pas se faire d’illusion. Nombre de critiques adressées à la population musulmane de la part de leurs compatriotes non-musulmans sont recevables: le manque de respect que l’on peut parfois déplorer venant d’une partie de la population musulmane, en particulier les jeunes en rupture de ban, envers la société qui les abrite, trouverait une fin plus heureuse, si l’on pouvait d’abord répondre à la question de l’autorité politique. Or nous en sommes aujourd’hui incapables. Cela fait partie des évitements convenus de la part des pouvoirs publics comme des responsables communautaires musulmans. Comment se fait-il que la police et l’autorité publique de manière générale, n’exercent plus d’autorité, voire n’inspirent même pas une crainte suffisante pour maintenir un niveau élémentaire d’ordre public dans certains territoires? L’origine de ce problème n’est pas uniquement le mauvais comportement supposé de la police, ni l’ignorance emprisonnant ces jeunes musulmans: le problème est que nous n’avons pas répondu clairement à une question essentielle. Quel est le rapport d’autorité politique envisageable entre le responsable politique non-musulman et l’administré musulman aux yeux de la Loi Islamique?  La République ne peut se poser cette question publiquement. Elle se prétend laïque et par conséquent, elle s’interdit de tels questionnements. Il revient donc aux musulmans avant tout, puis aux intellectuels ouverts, pas forcément musulmans, de contribuer à cette réflexion. C’est un débat qui de toute façon ne doit pas être kidnappé par des orientations politiciennes spécifiques ou par des enjeux institutionnels à courte vue.

   Pour ouvrir le débat, nous savons qu’il existe une règle jurisprudentielle consensuelle chez les juristes musulmans authentiques, qui interdit aux non-musulmans d’exercer une autorité, considérée dégradante ou avilissante vis-à-vis des croyants, intitulée « qa’ida nafi al-sabil ». Cela dit, y a-t-il une possibilité de régler cette question sur la base d’une réflexion politique, c"est-à-dire sur la base de choix d’intérêts bien compris, plutôt que sur la base de positions idéologiques par nature très contrastées entre les parties?

dilemme musulman en france: charybde ou scylla?

   Voilà une question à laquelle, craignons-nous, nous n’avons pas su répondre jusqu’aujourd’hui et cette carence, qui incombe au premier chef aux musulmans eux-mêmes, risque bien de faire tomber le navire de Charybde en Scylla. Et nul ne saurait justifier les terribles conséquences d’une pareille odyssée, dussions-nous nous orienter vers les marées et tourbillons que constitue une société française tourmentée par des angoisses identitaires d’une part, et une communauté musulmane ignorant à quel sein se vouer d’autre part. 

Sources:

http://www.islamophobie.net/

http://www.herodote.net/histoire/evenement.php?jour=16830912

http://fr.wikipedia.org/wiki/Inquisition_espagnole

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