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  • 12/8/2010
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La France et les FRAC  (2)

Article de Jean-Pierre Brigaudiot publié dans la Revue de Téhéran en mai 2010.

Les FRAC ont le statut d’Association régie par la loi de 1901, ce ne sont donc pas des établissements publics au même titre et comme le sont le plus souvent les musées.

  Le régime des FRAC est celui du droit privé mais leur mission est de service public, ce qui laisse supposer quelques incertitudes, par exemple quant à la gestion de leurs collections, sachant que ce ne sont pas des musées et que leur mission en diffère réellement; même si une trentaine d’années après la création des FRAC on peut constater que les principaux musées français se sont ouverts à des pratiques qui rejoignent celles de ceux-ci. Le concept de musée a évolué vers une mission qui dépasse largement l’action de collectionner des œuvres puis d’en organiser l’exposition de manière plus ou moins pédagogique. Y a-t-il une influence des FRAC et de leurs modalités de fonctionnement sur ce qu’est devenu le musée aujourd’hui? Peut-être mais sans doute que l’évolution progressive du concept de musée, de son statut et de son autonomisation financière les conduit à se penser en tant qu’entreprises commerciales ayant à recevoir un maximum de visiteurs donc clients pour équilibrer leur budget. Durant plusieurs décennies le ministère de la culture eut pour rengaine la fameuse démocratisation de l’art, c’est-à-dire l’accès à l’art pour tous. La récente flambée des prix d’entrée des expositions des grands et petits musées et des foires d’art pourrait faire croire à la fin de cette illusion, mais en fait ce n’est pas le cas car les missions de diffusion des institutions culturelles se sont singulièrement accrues, plutôt en direction des publics en réunion, groupes scolaires ou autres, qu’au profit des visiteurs individuels. Ainsi la fréquentation des lieux culturels ne cesse d’augmenter, du moins pour beaucoup d’entre eux.

Les FRAC ont pour mission de faire connaitre l’art contemporain à un très large public, de le lui faire fréquenter et rencontrer, autant dans les locaux qu’ils occupent que par une diffusion sous forme de prêt ou de dépôt d’œuvres.

  Un FRAC, au fil du temps, acquiert des œuvres, éventuellement celles qu’il a exposées et qui ont été conçues pour leur exposition; ainsi se constitue son fonds d’art contemporain. Après une large première décennie de démarrage où les achats semblaient extrêmement conformes et prévisibles, comme s’il existait un catalogue de l’art contemporain, les FRAC ont affiné leurs choix, d’une part en se spécialisant, et d’autre part en témoignant d’une capacité à se démarquer de ce que le ministère de la culture, plus ou moins en connivence avec certaines galeries et critiques d’art définissait comme art contemporain, non sans un certain dogmatisme. Il est indéniable qu’au début de ceux-ci, les directions des FRAC ont suivi les orientations du Ministère de la culture, ces directions étant assurées par des personnels quelquefois peu formés à leur mission ou ayant eu des formations les destinant à d’autres tâches que celles impliquant à la fois la connaissance du champ de l’art contemporain, une capacité d’organisation et de gestion, y compris juridique et financière, d’une structure de plus en plus importante avec des partenaires très différents les uns des autres. Aujourd’hui les études universitaires orientées vers les métiers de la culture et de l’exposition sont bien rodées et préparent à ce type de responsabilité.

projet du futur bâtiment du frac provence-alpes-côte d’azur réalisé par l’architecte kengo kuma et qui devrait ouvrir ses portes d’ici fin 2011

 

   Désormais on peut sans aucun doute considérer que les FRAC, institutions singulières, ont atteint un niveau de performance conforme aux ambitions affichées initialement, si ce n’est davantage. Ils ont généralement su gagner la confiance et l’estime des élus locaux (souvent peu au fait de l’art contemporain, voire allergiques à celui-ci) et de l’ensemble de leurs partenaires désignés. Leurs actions ont profondément transformé le paysage régional et même national et leur modèle est exportable à l’étranger. Certes des budgets plus ou moins conséquents selon les années et les situations de crise remirent en cause les ambitions en matière d’achats et d’actions artistiques, mais les collections en 2007 atteignirent quelque chose comme 23000 œuvres en tous genres, produites par plus de 4000 artistes. Il ne faudrait toutefois pas réduire les FRAC à leurs collections et expositions, ce ne sont ni des musées ni des centres d’art contemporains tels qu’il y en a désormais par dizaines dans chaque région, avec des objectifs et des statuts très divers; les FRAC travaillent à partir de la création contemporaine, dans ses différents aspects, et la mettent à la disposition des réseaux de la culture afin de la rendre accessible de multiples manières, y compris hors les murs. Le travail effectué durant ces trente années passées est un travail conduit dans la durée, en profondeur dont la qualité n’a cessé de s’affirmer, ceci dans une très grande transparence. Chaque année, un bilan détaillé des actions de chacun des FRAC est publié et d’un certain point de vue on peut considérer qu’ils sont exemplaires au plan d’une démocratie participative.

Pour rendre la représentation de ce qu’est un FRAC un peu plus concrète, on peut prendre pour exemple le FRAC Alsace implanté à Sélestat, une petite ville à une quarantaine de kilomètres au sud de la capitale régionale et européenne qu’est Strasbourg.

   Celui-ci dispose, dans un bâtiment à l’architecture contemporaine, d’un vaste et bel espace d’exposition, très ouvert sur la ville (trop ouvert peut-être, ce qui crée une difficulté à y exposer les œuvres), de bureaux, de réserves, d’un atelier et d’une bibliothèque. Il a accès, dans le même bâtiment, à une salle de spectacle et de projection, utilisée également pour les conférences. Ses actions comportent certes de nombreuses expositions, sur place ou extérieures au site, des achats d’œuvres, leur prêt aux partenaires culturels que sont par exemple les établissements scolaires, ceci dans le cadre de projets de partenariat soigneusement élaborés. Les programmes de formation et d’accueil des publics scolaires ou professionnels de la culture (professeurs, étudiants en art, artistes) sont extrêmement fournis.

(FRAC= fonds régional d’art contemporain)

Source: Teheran.ir

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