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  • 2/1/2011
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Khayyãm, entre réalité et subjectivité

peinture de khayyam

Je me suis rassasié, mon Dieu, de mon ivresse,

De ma pauvreté et de ma misère

Puisque du néant, Tu fais vie,

Tire-moi de ce néant à la sacralité de Ton être.

Omar Khayyãm

   Il est indéniable que les quatrains de Khayyãm, du moins ceux que l’on peut raisonnablement lui attribuer, marquent souvent un pessimisme et même un doute à l’encontre des enseignements et des réponses qu’apportent la théologie et la philosophie aux grandes questions de l’homme.

Cela dit, c’est souvent par facilité, parfois avec partialité, que les commentateurs modernes de Khayyãm l’ont présenté comme un hédoniste épicurien forcé de cacher sa pensée à cause du fanatisme ambiant de l’époque.

     Pour tenter de mieux cerner l’énigmatique Khayyãm, il faut prendre en compte les données certaines de sa biographie et tenter de le situer impartialement dans le contexte social, religieux et historique de son époque.

   Durant sa longue vie, ce mathématicien, astronome, élève d’Avicenne et maître de la philosophie péripatéticienne islamique, a toujours bénéficié du respect de ses pairs. Ayant sa place à la cour des Seldjoukides, il a passé la majeure partie de sa vie à apprendre et à enseigner, sans jamais hésiter à s’engager dans un débat d’idées.

Certes, il était connu pour son caractère renfermé et certains disaient même de lui qu’il était "avare à propager son savoir", mais il n’a jamais été un paria. De fait, ses disputes avec Ghazzãli qui l’a, dit-on, traité d’"athée", étaient fameuses, mais Ghazzãli a frappé de nombreuses autres personnes d’anathème.

   Au vu du respect dont il bénéficiait et de la place sociale et scientifique qui était la sienne, il est impossible de penser que Khayyãm ait rejeté la pensée officielle de son temps. Etait-il un homme à double face, qui gardait ses idées pour ses quatrains, et seulement afficher l’apparence d’un bon musulman?

   Khayyãm était un savant reconnu de son époque. Il possédait une bonne partie du savoir philosophique et scientifique de son temps. Il a été un mathématicien et astronome précurseur, dont l’originalité de pensée est aujourd’hui encore remarquable. Il a été maître à penser de la philosophie musulmane péripatéticienne et maîtrisait parfaitement et profondément les concepts et questions théologiques de son époque. Ce n’est donc pas aujourd’hui que le monde a découvert la profondeur de son savoir et ses contemporains soulignent tous avec emphase son rang scientifique.

De son vivant, il était surnommé «philosophe du temps» et «Imam».

   Khayyãm, à l’instar d’autres poètes et savants iraniens, n’a pas traversé les âges sans que de nombreux contes viennent enrichir sa biographie déjà mal connue au départ. Les histoires littéraires persanes sont riches de ces légendes, qui ont cependant une part de vérité. Rashidi Tabrizi dans son Tarabkhãneh, rapporte ainsi l’un de ces récits: « (...) Abou Saïd Abol-Khayr était contemporain du Sage Khayyãm et ils entretenaient une grande relation épistolaire. Et Khayyãm envoya un jour ce quatrain fameux (…) au Maître Abol-Khayr, qui lui répondit par un autre quatrain:

Khayyãm, ton corps est droit comme une tente dressée

Ton âme, un roi du royaume de l’éternité

Le Maître de l’éternité, pour cette autre demeure,

Jettera à bas la tente quand le roi partira.»

   Il est absolument certain, au vu des dates, que Khayyãm le philosophe, et Abou Saïd Abol-Khayr le mystique, n’étaient pas des contemporains.

   Il est donc probable que Khayyãm ait envoyé son quatrain à un autre grand soufi, de qui est véritablement le quatrain cité. Ce qui est certain est que Khayyãm a effectivement abordé dans ses quatrains d’importantes questions philosophiques et théologiques.

De là, les tentatives de certains pour le «récupérer» à leur profit et les nombreuses légendes qu’il a inspirées, comme celle des «Trois amis d’enfance» qui raconte l’histoire de l’amitié entre Khayyãm, le grand vizir Nezãm-ol-Molk et le Vieux de la montagne Hassan Sabbâh. Ou celle de l’amitié entre Khayyãm et Nãsser Khosrow, poète persan et grand missionnaire ismaélien.

   Dans la réalité, ils n’étaient pas même contemporains. Pourquoi tenter de rapprocher Nãsser Khosrow et Khayyãm? Probablement parce que Khayyãm a été l’un des rares philosophes de son temps, époque de persécution des Ismaéliens, à les considérer avec indifférence.

Source: Teheran.ir

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Quatrains de Khayyãm

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