A une fleur
Que me veux-tu, chère fleurette,
Aimable et charmant souvenir?
Demi-morte et demi-coquette,
Jusqu’à moi qui te fait venir?
Sous ce cachet enveloppé,
Tu viens de faire un long chemin.
Qu’as-tu vu? que t’a dit la main
Qui sur le buisson t’a coupée?
N’es-tu qu’une herbe desséchée
Qui vient achever de mourir?
Ou ton sein, prêt à refleurir,
Renferme-t-il une pensée?
Ta fleur, hélas! a la blancheur
De la désolante innocence;
Mais de la craintive espérance
Ta feuille porte la couleur.
As-tu pour moi quelque message?
Tu peux parler, je suis discret.
Ta verdure est-elle un secret?
Ton parfum est-il un langage?
S’il en est ainsi, parle bas,
Mystérieuse messagère;
S’il n’en est rien, ne réponds pas;
…
Ne dis rien, laisse-moi rêver.
Alfred de Musset (1810-1857)
Source: Poesie.webnet.fr