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  • 8/8/2011
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Mowlãnã (2)

mowlana

   Si Rumi s’est exprimé à travers des contes et des anecdotes, c’est pour que l’homme «au cur aimant mais à l’esprit faible puisse saisir la vérité» (Mathnawi). Le soufisme n’est pas destiné aux âmes bouffies d’érudition, mais aux curs prêts à mourir et à renaître.

Le soufi ne pense pas Dieu: la vraie connaissance est une intuition contemplative qui s’éteint dans l’Ineffable.

   L’homme est plus que l’homme: entre l’ange et l’animal, il est ce paradoxe d’un amas de boue détenteur d’un dépôt divin et calife de la création. «Dans ton âme, il y a une âme: cherche cette âme». Connaître Dieu est à la fois une sortie de l’ego et un retour à soi-même.

La réponse vient de la source même des questions: la fin de l’homme est son commencement, et tous deux sont Dieu. Aussi, nul ne cherche Dieu avant de L’avoir trouvé, car c’est Dieu qui révèle l’homme à lui-même en Se révélant à lui.

   Pour se souvenir de l’Invisible, il faut renoncer au visible, déjouer l’illusion du monde: les biens matériels, les ambitions, les orgueils sont un esclavagisme et une liberté empoisonnée. Le soufi mène une guerre contre ses vices, l’oubli de Dieu, les passions. La prière enlève la rouille du cur pour le rendre transparent à Dieu, car seule la beauté voit la beauté, seule lame connaît l’âme. Lame du soufi est brûlée et réduite en cendres par l’amour: elle devient les cieux et la terre et se confond avec Dieu comme la goutte d’eau et la mer.

La création est un miroir de Dieu, un embrun tiré de son Océan, un jeu d’amour infini entre les créatures et leur Créateur.

   «Tu as façonné ce Je et ce Nous afin de pouvoir jouer au jeu de l’adoration avec Toi-même. Afin que tous les Je et Tu deviennent une seule âme et soient à la fin submergés dans le Bien-Aimé» (Mathnawi). Dieu est le seul but: rien n’est hors de lui, autre que lui, sans lui. Chaque brin d’herbe est une parole divine, et il n’est rien qui ne contemple l’Unité divine. Dieu se voit comme en transparence dans la beauté des univers. Le soufi est un nomade, un migrateur regagnant sa patrie originelle. Prisonnière du corps, l’âme est un oiseau en cage. Elle doit répondre à l’attraction de l’amour, puis émigrer vers Dieu.

Sous la conduite d’un maître spirituel, elle passe par des brûlures d’amour, des seuils de lumière, des degrés d’intimité avec Dieu.

    A la mort, le soufi ne meurt pas: c’est un jour de noces, où l’âme, jusque-là empêchée par le corps, voit se réaliser l’union parfaite avec Dieu. Pour Rumi, le saint est un pilier de l’univers: il fait pleuvoir la grâce sur les êtres, maintient la vérité de la religion et la présence de Dieu. Le maître soufi est «un roi sous son froc»: il règne sur tous les mondes, il est au-delà «de l’impiété et de la religion» (Odes mystiques). Enivré du vin divin, sage sans livres, il est un printemps éternel dans le désert du monde.

Source: RINGGENBERG. Patrick, Guide culturel de l’Iran, éd. Rowzaneh, Téhéran, 2005, PP.197-198. 

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