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  • 28/1/2013
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Vœu

une feuille

Si j’étais la feuille que roule

L’aile tournoyante du vent,

Qui flotte sur l’eau qui s’écoule,

Et qu’on suit de l’œil en rêvant;

Je me livrerais, fraîche encore,

De la branche me détachant,

Au zéphyr qui souffle à l’aurore,

Au ruisseau qui vient du couchant.

Plus loin que le fleuve, qui gronde,

Plus loin que les vastes forêts,

Plus loin que la gorge profonde,

Je fuirais, je courrais, j’irais!

Plus loin que l’antre de la louve,

Plus loin que le bois des ramiers,

Plus loin que la plaine où l’on trouve

Une fontaine et trois palmiers;

Par delà ces rocs qui répandent

L’orage en torrent dans les blés,

Par delà ce lac morne, où pendent

Tant de buissons échevelés;

Plus loin que les terres arides

Du chef maure au large ataghan,

Dont le front pâle a plus de rides

Que la mer un jour d’ouragan.

Je franchirais comme la flèche

L’étang d’Arta, mouvant miroir,

Et le mont dont la cime empêche

Corinthe et Mykos de se voir.

Comme par un charme attiré,

Je m’arrêterais au matin

Sur Mykos, la ville carrée,

La ville aux coupoles d’étain.

J’irais chez la fille du prêtre,

Chez la blanche fille à l’œil noir,

Qui le jour chante à sa fenêtre,

Et joue à sa porte le soir.

Enfin, pauvre feuille envolée,

Je viendrais, au gré de mes vœux,

Me poser sur son front, mêlée

Aux boucles de ses blonds cheveux;

Comme une perruche au pied leste

Dans le blé jaune, ou bien encor

Comme, dans un jardin céleste,

Un fruit vert sur un arbre d’or.

Et là, sur sa tête qui penche,

Je serais, fût-ce peu d’instants,

Plus fière que l’aigrette blanche

Au front étoilé des sultans.

Victor Hugo (1802-1885)

Source: Poesie.webnet.fr

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