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  • 5/5/2008
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Crise financière (6): la fin du dollar, grandeur et décadence d’une monnaie…

   Le dollar atteint sa pleine puissance quand l’empire américain perd son ennemi existentiel, l’Union soviétique communiste. Alors que le président Bush senior évoque l’instauration d’un « nouvel ordre mondial », l’Occident était entré depuis les années 1980 dans une sorte d’utopie économique qui érigeait le marché en véritable « totem » car, grâce à la savante performance de la bourse et du marché financier, tous ces arbitrages encombrants entre forces sociales, qui constituaient autrefois l’art de la politique et la richesse de la société, seraient engloutis dans les équations de nos apprentis financiers, qui croyaient dur comme fer à la magie de la « main invisible », d’autant plus fermement que cette savante alchimie se révélait rémunératrice.

dollar

   Derrière ce triomphalisme quelque peu enfantin, des changements profonds allaient affecter l’économie mondiale, pour une part suite au progrès techniques et informatiques, pour une autre part par des décisions importantes prises collégialement par les gouvernements occidentaux. Débarrassé de la menace communiste, le système capitaliste se sentit porté par cette occasion inouïe d’appliquer enfin le régime capitaliste au sens plein du terme, c’est-à-dire, ce que l’on peut appeler un « libéralisme pour les puissants ».

Devenu inutile et rabat-joie, l’état « capitaliste » est marginalisé. On lui retire le pouvoir de créer de la monnaie pour le transférer gracieusement aux intérêts privés, entendez un groupe de capitalistes déjà bien incrustés dans les systèmes « démocratiques » occidentaux.

   Ce geste dramatique d’auto-amputation, l’Etat se l’est asséné des mains mêmes de ceux qui auraient dû le défendre en premier chef : les populations. Par voie référendaire, les peuples européens exécutent leur dernier protecteur. Sans Eglise, sans famille, sans syndicat, sans niveau intermédiaire, sans état, voilà l’individu européen à la merci des diktats capitalistes. La classe politique européenne donne le coup de grâce en refusant les résultats négatifs des référendums successifs, et signent le Traité de Lisbonne par la voie parlementaire.

   Profitant de la loi des avantages comparatifs, le système économique mondial s’organise en pyramide comme évoqué précédemment. A la tête, les marchés financiers sous tutelle occidentale concentrent les lieux de décisions d’investissement financier, nœud gordien du système. Tertiarisées, les économies occidentales abandonnent progressivement l’outil de production, peu rémunérateur et difficile d’emploi, à cause des syndicats et de l’environnement, au profit d’économies émergentes, à la main d’œuvre bon marché et jouissant d’un environnement réglementaire favorable. L’investissement constitue l’aorte par laquelle le sang devait circuler dans le corps économique. Le plus important pour contrôler la circulation sanguine, une fois que l’on détient le cœur et l’aorte, est de pouvoir contrôler la production sanguine.

Ce rôle est attribué à la FED, qui grâce aux taux directeurs, contrôlent indirectement les agrégats monétaires libellés en dollar, et par là les monnaies satellites, enfin la plupart des marchés mondiaux.

    Le rôle du dollar est assuré in extremis par trois choses : la place du dollar en tant que première monnaie d’échange mondiale, la confiance des investisseurs dans la rentabilité du marché américain, la contrainte militaire exercée sur les éventuels récalcitrants par l’armada américaine déployée à travers le monde.

   Aujourd’hui, l’explosion des différentes bulles financières (immobilier, marché de la dette, marchés dérivés divers et de couverture, marché des titres « souverains ») et les signes croissants de faiblesse du système américain, dans son essence même, ont complètement anéanti l’équilibre du système passé. Seul l’armada américaine peut encore préserver les intérêts américains à travers le monde, mais ses déboires critiques en Irak, en Afghanistan et au Liban relativisent ses prétentions de puissance. L’équilibre de la terreur constituait le dernier recours de l’establishment américain pour préserver un système qui n’aurait pas subsisté dans des circonstances normales. Terrorisés, la plupart des pays alliés des Etats-Unis ont payé la dîme au système américain en maintenant le dollar à bout de bras.

La manne pétrolière est venue à la rescousse du capitalisme américain sous la menace d’intervention militaire. A leur manière, les européens payent le prix fort de leur politique de conciliation avec les Etats-Unis.

   En maintenant l’euro fort, ils contribuent à améliorer la balance commerciale des Etats-Unis. La Chine, plutôt satisfaite du statu quo actuel, applique une position de réserve attentive. La Russie, encore convalescente, ne fait que gérer ce qui peut encore l’être. Seule la Grande-Bretagne, comme toujours, tire son épingle du jeu en jouant sur tous les tableaux à la fois. Dans l’ensemble, la balance des paiements américaine est déficitaire, malgré les efforts démesurés de leurs vassaux à l’étranger. Le problème vient de l’intérieur et, pour reprendre leur expression, la « pomme est pourrie ».

   Or, le système américain est incapable de se réformer de manière endogène. Trop d’intérêts sont en jeu et aucune formation politique, aucune idéologie, aucun homme politique n’est capable, ni n’a le courage de poser le problème sous un angle constructif. En fait, avec les nouvelles circonstances créées au niveau mondial, l’ « American Way of Life » est condamné. Mais la mentalité américaine, faite d’arrogance, d’auto-suffisance et d’une sorte de schizophrénie collective, est parfaitement incapable de se remettre en cause. Le pachyderme se précipite vers le ravin, mais la poussière qu’il soulève l’empêche de s’en rendre compte.

dollar

   Le dollar est mort car il n’a plus aucune valeur réelle, seuls les rêves qu’il a suscités subsistent chez quelques nostalgiques du dernier empire occidental. L’ère a changé de continent, l’avenir est désormais tourné vers l’Asie. Mais la question est de savoir comment sortir de l’ornière ? La réponse n’est pas simple. Les grands changements ne sont possibles que si on a un solide plan de rechange.

 

La révolution n’est souhaitable que dans le cas où : 1/ existe une doctrine révolutionnaire acceptable et susceptible de générer un « meilleur universel » 2/ des cadres compétents et fidèles à cette doctrine se trouvent disponibles et prêts à en découdre. Or est-le cas ?

   Il est évident qu’une telle révolution, c’est-à-dire le changement d’un système de gouvernance économique, nécessite un effort doctrinal capable d’appréhender l’ensemble des problématiques couvertes par l’administration d’un système mondial. Détrompons-nous, la période westphalienne, telle que nous l’avons connue, reposant uniquement sur la souveraineté nationale, la raison d’Etat et les équilibres diplomatiques convenus par traités, ne peut entièrement suffire à la réforme de l’ordre mondial aujourd’hui. Certes, il serait malvenu d’anéantir le système des états souverains en l’absence d’une proposition meilleure. Cela peut à la limite être un moindre mal temporaire pour éviter la vendetta généralisée. Mais traiter de problèmes mondiaux à un niveau étatique est impertinent et parfaitement futile. Cela aboutit soit à la guerre, soit à l’oppression. A moins de promouvoir une « sagesse universelle », l’avenir ne nous réserve guère de bonne nouvelle.

   Quant au dollar, sa « messe » est dite et c’est tant mieux. Moins de fétichisme, plus de réalisme et de réflexion, voilà un programme acceptable aux yeux du gentilhomme. Que donc mettre à la place du dollar ? La réponse apparaît à la fois théorique et pratique.

Théorique, parce la chute du dollar appelle à une réévaluation générale du système et donne l’occasion aux économistes de trouver des idées nouvelles, une chose qu’ils ont été à peu près incapables de faire pendant les confortables années d’après-guerre.

   Pratique, parce la mise en place d’un nouveau système monétaire est une tâche si immense qu’elle ne peut être précisément préméditée, à moins de détenir toutes les pièces du jeu, ce qui n’est pas le cas. Notre principal problème vient du côté politique. Les ravages effroyables causés par le système américain sur la pensée humaine nous ramènent à des temps reclus, où les querelles ne se réfléchissaient pas, elles étaient tant bien que mal « solutionnées », généralement en éliminant l’adversaire purement et simplement.

   D’une manière générale, la fin du « totem dollar » porte en elle nombre de dangers mais aussi des espoirs. Le danger vient de ce que nous nous trouvions incapables à poser les vraies questions, à leur trouver des réponses acceptables, à former la chaîne linéaire de l’intellection qui déclinera une philosophie acceptable par tous vers les aspects les plus pratiques de la morale économique collective et individuelle.

Nos sciences humaines sont-elles armées pour réaliser ce pas de géant ? L’interdisciplinarité, qui est le propre du grand œuvre, est-elle une démarche suffisamment courante pour mobiliser les problématiques et les programmes de recherche adéquats pour la réponse à nos problèmes ?

   Pire, notre recherche est-elle suffisamment détachée de ses habitudes « alimentaires » (entendez de ses financements et de ses routines épistémologiques) pour pouvoir mettre en question ce sur quoi elle appuie sa position de magistrature indiscutée? Voilà bien des questions pour lesquelles nous n’avons pas jusqu’aujourd’hui, de réponses satisfaisantes. Certes, l’innovation est la fille de la nécessité. L’être humain n’a-t-il pas su trouver les expédients nécessaires à sa propre survie. Mais plus son pouvoir de domination mondaine s’accroît, plus ces questionnements moraux et la précision des réponses qu’on leur donne deviennent critiques. Gageons que les bonnes volontés sauront se coordonner, au nom de l’humanité, afin de donner au titre d’humain ses lettres de noblesse. Nous prétendons ici que l’islam sera la main divine qui nous guidera sur la voie du salut.

 

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