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  • 8/10/2008
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L’enfance de Rousseau et de Stendhal à travers leurs œuvres (3)

II. Vers une comparaison

   Notre tentative sera de comparer les deux œuvres, de trouver leurs traits communs, ensuite nous essayerons de dégager leurs divergences.

a) Les traits communs:

   Comme nous avons dit, l’enfance trouve chez les deux écrivains une valeur inévitable pour la connaissance de soi. Elle devint la terre privilégiée de la plantation de chaque conduite et de chaque habitude chez l’un et le champ merveilleux des fouilles archéologiques chez l’autre.

rousseau

   Grâce à leurs expériences vécues parmi des tendances naturellement semblables,  plusieurs traits communs se présentent. Le voisinage de Genève et de Grenoble a sûrement aidé cet accord puisque les mêmes paysages de la Savoie, de la Suisse, de l’Italie et de Paris ont servi de décor dans ces deux ouvrages. Voila quelques exemples des ressemblances que nous avons décelés de ces deux œuvres:

Les sensations et les sentiments occupent la première place dans leur vie:

"Je sentis avant de penser" (Confessions, éd. Gallimard, livre premier, p. 36) ou bien "Je n’avais rien conçu, j’avais tout senti" (p. 37) dit Rousseau.
vie de henry brulard

   Henry Brulard déclare: "Il n’y a de sûrement vrai que les sensations" (la Vie de Henry Brulard, éd. Gallimard, ch.XXXIV, p.331) ou bien "[...] Je n’ai de prétention à la véracité qu’en ce qui touche mes sentiments ; [...]"

(la Vie de Henry Brulard, ch. XI, 127).

Leur enfance est commencée par l’obscurité de la mort. La mère, la personne la plus chère au monde leur est privée. La naissance de Jean Jacques coûta la vie à sa mère"... et ma naissance fut le premier de mes malheurs" dit-il. (Confessions, livre premier, p. 35)

   Stendhal qui était amoureux de sa mère, attribue la responsabilité de son père, car selon lui, la cause de cette perte est d’une part, les suites des couches et de l’autre, un médecin maladroit. Ensuite, le geste symbolique de son père annonce le "malheur" de l’enfance: "Mon père, dont la figure était réellement absolument changée, me revêtit d’une sorte de manteau noir en laine noire qu’il me lia au cou.''

stendhal

   "Ce vêtement noir imposé à l’enfant incarne l’obscurité de ses années d’enfance; son enroulement autour de son cou symbolise l’atmosphère étouffante de ces années.'' Il était interdit à ces deux petits déjouer avec les autres enfants :

"Les enfants des Rois ne sauraient être soignés avec plus de zèle que je le fus durant mes premiers ans" écrit Rousseau"[...] jamais une seule fois jusqu’à ma sortie de la maison paternelle on ne m’a laissé courir seul dans la rue avec les autres enfants." (Confessions, ch. I, p. 39)

Le petit Henry a connu exactement la même situation :

"Je voyais sans cesse passer sur la Grenette des enfants de mon âge qui allaient ensemble se promener et courir; or, c’est ce qu’on m’a pas permis une seule fois." (Vie de Henry Brulard, ch. IX, p.104)

L’idée de la fuite s’empare d’eux dès l’enfance. Un amour précoce pour la République est un autre trait commun entre les deux enfants: Rousseau écrit dans ses Confessions: "De ces intéressantes lectures, des entretiens qu’elles occasionnaient entre mon père et moi, se forma cet esprit libre et républicain [...]" (Confessions, I. p. 38)

Et Stendhal avoue pour sa part :

"Je me révoltai, je pouvais avoir quatre ans: de cette époque date mon horreur pour la religion [...]. Presque en même temps prit sa première naissance mon amour filial instinctif forcené dans ces temps-là, pour la République" (la Vie de Henry Brulard, ch. III, p. 47)

   L’aversion de l’injustice et de la bassesse manifestée dans les Confessions par cette expression " Le Carnifex. carnifex, carnifex! "trouvera son retentissement dans "le Canaille, canaille, canaille!" dans la Vie de Henry Brulard. Les deux auteurs ont   mis le doigt sur la délicatesse du rôle des maîtres. La tyrannie du maître cause la haine de l’apprentissage. C’était chez la famille Lambercier que J.J. découvre l’injustice et la honte. Le maître graveur, brutal et grossier le dégoûte du métier. Le précepteur de Henry, l’abbé Raillane lui ôta l’envie de la monarchie et de la religion.

Source:Revue Le Pont, N:4, été 2007, PP.21-22.

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