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  • 24/7/2016
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Trois membres de la DGSE tués en Libye, le gouvernement libyen proteste

libye

Le ministère de la défense a annoncé, mercredi 20 juillet, que trois militaires français avaient été tués en « service commandé » en Libye. Le ministre de la défense, Jean-Yves Le Drian, a salué « le courage et le dévouement de ces militaires engagés au service de la France, qui accomplissent, tous les jours, des missions dangereuses contre le terrorisme ».

 

Le gouvernement libyen d’union nationale a accusé Paris de « violation » de son territoire, mercredi soir. Rien ne « justifie une intervention » sans que le pouvoir libyen en soit informé, a déclaré le GNA dans un message sur son compte Facebook. Le GNA s’est dit « mécontent de l’annonce du gouvernement français concernant la présence française dans l’est de la Libye ».

 

Les trois sous-officiers, membres du service action de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) selon une source française haut placée, sont morts dans un « accident d’hélicoptère » en Libye, a déclaré mercredi matin François Hollande. La France mène « des opérations périlleuses de renseignement », a-t-il ajouté, après l’annonce de la mort de ces trois soldats par le ministère de la défense.

 

« La Libye connaît également une instabilité dangereuse. C’est à quelques centaines de kilomètres seulement des côtes européennes. (…) Trois de nos soldats qui étaient justement dans ces opérations viennent de perdre la vie dans le cadre d’un accident d’hélicoptère. Je leur rends hommage aujourd’hui devant vous », a déclaré le chef de l’Etat depuis le Centre national d’entraînement des forces de gendarmerie de Saint-Astier (Dordogne).

 

Les militaires auraient été tués dimanche 17 juillet près de Benghazi, quand une milice qui se fait appeler « brigade de défense de Benghazi », une milice islamiste; a annoncé avoir abattu l’hélicoptère dans lequel les militaires se trouvaient.

 

La Chambre des opérations pour la libération d’Ajdabya, un groupe armé lié à la Brigade de défense de Benghazi, avait affirmé, dès dimanche, avoir abattu l’appareil et a mis en ligne lundi, sur les réseaux sociaux, des images du crash, en évoquant la présence à bord de deux Français, un Jordanien et un Libyen.

 

L’appareil filmé, un hélicoptère d’attaque de fabrication russe, appartient aux forces du général Khalifa Haftar, les seules à en disposer dans ce secteur. Ce que confirment une source officielle française et un officier proche du général Haftar joints par Le Monde. En revanche, si la première évoque un crash, « au regard des images de l’hélicoptère, certainement causé par un tir de SA-7 (missile sol-air) », la seconde assure :

 

« Notre hélicoptère a eu une panne technique. Il y avait à bord trois Français qui viennent pour nous aider avec des renseignements sur les djihadistes et trois soldats de l’armée libyenne. »

 

Cet incident confirme en tout cas la très discrète coopération militaire occidentale avec les forces dirigées par Khalifa Haftar, à la tête d’une coalition anti-islamiste qui s’oppose aux milices islamistes et djihadistes dans l’est du pays ainsi qu’au gouvernement d’union nationale, installé à Tripoli.

 

Bien qu’officiellement la communauté internationale ne reconnaisse que le gouvernement d’union nationale, « depuis environ six mois, des soldats sont avec les forces du général Haftar pour y effectuer du renseignement de proximité, précise la source française précédemment citée. L’objectif est de comprendre ce qui se passe sur le terrain et de réduire l’Etat islamique et ses alliés à Benghazi et Derna. Ils sont au plus près du théâtre des opérations, mais ils ne participent pas aux combats. »

 

« L’Armée nationale libyenne (ANL) commandée par Haftar est l’embryon le plus sérieux de la future armée réunifiée. Il est normal de commencer à la cultiver », ajoute une source une source militaire française. Nous n’étions ni les seuls ni les premiers à arriver à Benghazi. Les Américains étaient là avant nous ». Enfin, ce contact conteste l’idée que seule la présence française explique les soudaines percées militaires en février de Haftar à Benghazi contre les fiefs islamistes de Benghazi. Des percées qui ont contribué à durcir l’attitude d’obstruction de Haftar à l’égard du gouvernement d’union nationale de Faïez Sarraj (qu’il refuse de reconnaître). Selon cette source, ces avancées militaires s’expliquent aussi par un actif soutien militaire de l’Egypte et des Emirats arabes unis.

 

Tensions

 

Le porte-parole du gouvernement, Stéphane Le Foll, a d’ailleurs confirmé, tôt mercredi matin sur France Info, la présence de ces forces spéciales en Libye. Sans préciser auprès de qui elles combattent. Le Quai d’Orsay préconisant un soutien à l’armée loyaliste, dont Haftar réclame la direction mais qu’il n’a pour l’instant pas obtenue.

 

« Les forces spéciales sont là, bien sûr, pour aider et faire en sorte que la France soit présente partout pour lutter contre les terroristes. »

 

La présence de forces spéciales françaises à Benghazi a suscité des tensions avec certains partenaires européens. Ceux-ci estiment qu’un tel soutien au général Haftar compromet le processus politique de réconciliation nationale.

 

Homme fort de la Cyrénaïque (Est libyen), nommé chef de l’armée nationale libyenne (ANL) par le gouvernement replié à El-Baïda et Tobrouk (Est) après avoir été expulsé de Tripoli lors de l’éclatement de la guerre civile de l’été 2014, le général Haftar bloque de facto la mise en place du gouvernement d’union nationale de Faïez Sarraj, activement soutenu par les Occidentaux et les Nations unies.

 

Sous pression de ses amis, le Parlement de Tobrouk a en effet échoué à se réunir pour voter l’investiture au gouvernement de M. Sarraj.

 

Intransigeance du général Haftar

 

Cette absence de vote a fragilisé l’assise juridique du gouvernement de M. Sarraj. L’obstruction du général Haftar s’explique par le fait que l’accord du 17 décembre 2015, signé à Skhirat, au Maroc, sous les auspices de l’ONU, et dont est issu le gouvernement de Sarraj, comporte une clause rendant possible l’éviction du général de son haut-commandement militaire. Les Nations unies avaient introduit cette disposition pour arracher le ralliement à l’accord du camp de l’Ouest – l’ex-bloc politico-militaire de Fajr Libya (Aube de la Libye) –, engagé depuis l’été 2014 dans une guerre ouverte contre le général Haftar.

 

Selon les observateurs de la scène politico-militaire libyenne, l’intransigeance du général Haftar à l’égard du processus initié par les Nations unies – il refuse de rencontrer Martin Kobler, l’envoyé spécial de l’ONU pour la Libye – a été renforcée par ses percées militaires à Benghazi, son principal champ de bataille.

 

Fin février, il a en effet délogé de certains quartiers de la ville les combattants du Conseil de la choura révolutionnaire de Benghazi, soutenu par les factions anti-Haftar de Misrata et de Tripoli. La coïncidence entre l’arrivée des forces spéciales françaises et les gains militaires du général Haftar a été jugée problématique par certains diplomates.

 

Si le général affirme mener le combat contre les « terroristes et les extrémistes », il tend en effet à ranger sous ce label l’ensemble de ses adversaires, dont certains ne sont pas spécialement liés à la mouvance djihadiste. « L’aide des forces spéciales françaises à Haftar renforce les obstacles entravant le processus politique », se plaignait en mars un diplomate européen. Car, en réaction, les milices de l’Ouest anti-Haftar ayant rallié le gouvernement Sarraj tendent à renforcer leur influence sur une équation politique visant pourtant officiellement a faire émerger un pouvoir civil au détriment des brigades armées. « Le résultat, c’est le renforcement des milices », regrettait ce diplomate. Selon ce dernier, M. Sarraj aurait exprimé son irritation à l’égard du jeu français à Benghazi auprès du général Haftar.

 

Les forces américaines également présentes à Benghazi

 

En fait, les Français ne sont pas les seuls Occidentaux à aider le général Haftar contre les réseaux djihadistes de la métropole de l’Est libyen. Le Washington Post avait révélé, le 12 mai, que les forces spéciales américaines étaient également présentes à Benghazi. Tout comme elles opèrent à Misrata dans l’ouest de la Libye, une région dominée par les factions anti-Haftar. Là, elles ont été rejointes par des éléments britanniques pour aider la coalition de milices de l’Ouest, ralliées au gouvernement de M. Sarraj, dans leur offensive déclenchée le 12 mai contre Syrte (225 km à l’est), où l’EI a établi sa place forte en Afrique du Nord.

 

Une quinzaine de membres de forces spéciales britanniques et américaines sont à l’œuvre pour « aider dans la surveillance et l’identification des cibles », avait confié à la mi-juin au Monde Mohamed ‌Al-Gasri, le porte-parole de l’offensive anti-EI, dont le quartier général est à Misrata. Les forces américano-britanniques jouent notamment un rôle important dans la destruction des voitures suicide fonçant vers les forces assaillantes qui font le siège de la ville.

 

En étant déployées à Misrata comme à Benghazi, les forces spéciales occidentales contribuent à n’en pas douter à saper le potentiel de l’EI dans ces zones. Mais elles consolident simultanément deux blocs rivaux (les milices de l’ouest gravitant autour de Misrata d’un côté, les forces du général Haftar à l’est de l’autre) qui, une fois la menace de l’EI affaiblie, risquent de reprendre un combat qui les avait déjà opposés il y a deux ans. Soit précisément l’objectif inverse à celui recherché par le processus des Nations unies engagé au Maroc fin décembre 2015. 

 

 

source: http://www.lemonde.fr

 

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