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  • 22/6/2016
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Le Ta’zieh et le théâtre moderne

le ta’zieh

 

Le Ta’zîeh en tant que théâtre religieux est apparemment un genre propre à l’Iran et il n’existe pas dans les autres pays musulmans. Mais dans l’Europe médiévale, il existait un drame liturgique puisant ses racines dans l’Eglise catholique. A mesure que le drame liturgique se développait pendant le bas Moyen Age, de nombreux récits bibliques étaient représentés, allant de la Création à la Crucifixion. Ces pièces étaient appelées des passions, des miracles, des mystères ou encore des pièces sacrées. 

 

Selon les historiens du théâtre, ces genres de spectacle religieux en Europe sont les plus proches du Ta’zîeh iranien. Certains chercheurs ont avancé que pendant une longue période allant du XIe au XVIIIe siècles, le théâtre sacré européen aurait influencé le genre théâtral religieux en Iran. Selon eux, l’influence du drame liturgique européen est incontestable dans le Ta’zîeh dans les régions à population chiite du Caucase, avant l’annexion de ces régions par la Russie tsariste. 

 

En comparant le Ta’zîeh avec le théâtre occidental, certains chercheurs le représentent comme un genre dramatique primitif et incomplet loin de correspondre aux critères définis par Aristote dans sa Poétique. Mais les partisans du Ta’zîeh estiment qu’il faut juger le théâtre religieux iranien d’après sa propre logique, au lieu d’y chercher des ressemblances ou des différences de ce drame iranien avec le théâtre classique grec.

 

Le comte Joseph Arthur de Gobineau (1816-1882) fut peut-être le premier à essayer de comparer le Ta’zîeh avec le théâtre occidental. Bertolt Brecht (1898-1956), poète et auteur dramatique allemand, dont l’esthétique et l’éthique ont exercé une très grande influence sur le théâtre contemporain, considérait lui aussi qu’il était possible de comparer le Ta’zîeh aux genres théâtraux de l’Occident. Les expériences de Brecht dans la distanciation ont contribué à le rapprocher des drames orientaux. Par sa théorie de distanciation, Brecht cherchait à développer l’attitude de l’acteur qui prend ses distances avec son personnage pour aboutir ensuite à l’attitude du spectateur prenant ses distances avec l’action dramatique. Il est vrai que cette technique de distanciation existe dans le Ta’zîeh, mais sa finalité diffère fondamentalement de celle recherchée par Bertolt Brecht. Le dramaturge allemand cherchait un moyen d’éviter le pathétique et d’empêcher que les acteurs et les spectateurs ne s’identifient avec les personnages. Brecht voulait en fait que le spectateur (et également l’acteur) garde sa lucidité pour pouvoir soumettre les personnages et leurs actions au jugement de la raison et de la conscience. Mais la distanciation telle qu’on la trouve dans le Ta’zîeh a un sens beaucoup plus profond. Ce dernier réussit en effet mieux que le théâtre brechtien à créer l’effet de distanciation, sans amoindrir celui du pathétique ; et ce car les acteurs et les spectateurs du Ta’zîeh sont conscients qu’ils assistent, par convention, à un genre dramatique fondé essentiellement sur "l’apparence" au lieu de "la représentation" qui est le fondement du drame aristotélicien. Dans ce sens, le surnom que l’on donne traditionnellement à Ta’zîeh est aussi révélateur : Shabîh-Khânî qui veut dire littéralement "faire semblant de" ou "faire comme si".

 

A partir des années 1960, les grands metteurs en scène et cinéastes occidentaux se mettent à étudier la dramaturgie du Ta’zîeh : le metteur en scène polonais et théoricien du théâtre expérimental, Jerzy Grotowski s’est inspiré de l’effet de distanciation du Ta’zîeh pour élaborer sa théorie du "théâtre pauvre" qui prône le rapport existentiel de l’acteur au public, et l’essence d’une interprétation libérée de "l’artificiel" qu’apportent une mise en scène ou un spectacle élaborés. Peter Brook, metteur en scène de théâtre et réalisateur de cinéma britannique enrichit son expérience de la distanciation du Ta’zîeh, à travers notamment des théories de Brecht et Jerzy Grotowski. En 1970, il a fondé à Paris le Centre International de Recherche du Théâtre (CIRT), où il a mené des travaux de groupe avec des acteurs venus du monde entier. Sa compagnie a présenté, dans un esprit de relecture de textes anciens, une fable persane : Le langage des oiseaux (Mantiq al-Tayr) du poète persan Farîd al-Dîn ’Attâr (v. 1150-v. 1220), une œuvre allégorique qui relate les aventures d’un groupe d’oiseaux à la recherche de leur roi, le Sîmorgh, symbolisant la doctrine mystique de l’union divine et humaine. 

 

source: http://www.teheran.ir

 

 

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