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  • 21/11/2010
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De quel mal guérir la France? (1)

alain peyrefitte

   «Inciter nos compatriotes à guérir le mal qui est dans nos têtes de Français: je ne prétends nullement y être parvenu. Pourra-t-on jamais y parvenir? Le chantier reste ouvert » Alain Peyrefitte

Une France mythique

   Si poser une telle question n’aboutit pas à un diagnostic, alors nous aurons manqué le but de cet article ; mais avant tout, une observation médicale implique une histoire, et c’est cette histoire des consultations anciennes de la France que nous rapportons.

D’abord qu’entend-t-on signifier lorsque le nom de France est utilisé comme adjectif; que l’on dit par exemple avec le philosophe allemand Kant, l’Iran la France de l’Asie, tout comme les Arabes en seraient, toujours selon lui, les Espagnols? Une jeune élégante de Téhéran aux yeux clairs qui entendait cet avis d’anthropologue en 2005, l’approuvait, jugeant néanmoins, parce qu’elle avait de l’esprit en française d’Asie, l’appréciation ingrate pour l’Espagne! Entend-on bien parler d’une courtoisie, d’une douceur exprimée dans une humeur lyrique, d’un art d’aimer avec ce qu’il comporte d’artifices que le genevois Rousseau trouvait insupportable, comme peut l’être un rôle d’acteur en place d’un original?

   Certains auteurs ont exalté le pays au point en effet de lui attribuer une place galante, guerrière et glorieuse parmi les peuples; on a même cru le pays fondé par le fils d’Hector héros de la guerre de Troie, Francion. Mais la légende pourrait bien n’être qu’une expression directe de la part prise par les français à des luttes méditerranéennes. Et à cet égard le nom de France, même pour ceux qui méprisent les fables, est adopté plus sérieusement que celui de « la Gaule » qui semble une construction d’idéologues, car personne ne croit plus au combat du chef de prétendus gaulois coalisés contre un César dont l’écriture de la Guerre des Gaules a été contestée par un philologue renommé de l’université de Bâle, Robert Baldauf, au siècle dernier.

   De Gaulle (1890-1970) a pareillement usé de cette mythologie de la France, mais le procédé était chez lui rhétorique; il voulait persuader en effet les français qu’un modèle les précédait, tout comme la dépendance des créatures fait la preuve la plus sérieuse de l’existence de Dieu. Il représentait la France, ainsi que le Platon de l’Apologie de Socrate a fait parler les Lois à Socrate, de même un visage a-t-il été donné par le fondateur de la Ve République à la France. Bien sûr, cette prosopopée ou accordement de visage, comme écrivaient les grecs, a donné lieu à une hauteur de vue chez De Gaulle, mais aussi à une sévérité d’analyse car, plus la beauté du pays s’éclairait, s’incarnait, se personnalisait, plus hétérogène à la France semblait le peuple, ou selon le mot de l’auteur «des peuples qu’étreignent au cours de l’Histoire, les épreuves les plus diverses». Le début des Mémoires posthumes est connu et désormais classique: «La France vient du fond des âges. Elle vit. Les siècles l’appellent. Mais elle demeure elle-même au long du temps.»

«Leur tempérament disposé à la gaieté » Kant

Le lecteur m’autorisera à revenir au texte du philosophe allemand: «Si pareillement les arabes sont les espagnols de l’Orient, ainsi les perses sont-ils les français de l’Asie. Ils sont bons poètes, courtois et d’un goût passablement fin. Ils ne sont pas d’étroits sectateurs de l’Islam et permettent pour leur tempérament disposé à la gaieté une interprétation passablement indulgente du Coran» 1.

   Que l’on compare le chiisme de ce peuple métaphysicien avec le récent wahabisme médité, dès 1710 par les soins de la Grande Bretagne pour désorganiser les pays musulmans, et mouvement éclaté en 1745, remarquerait un conspirationniste! Le texte des Mémoires de Sir Mumphrey devrait être lu de ceux qui s’inquiètent d’apprendre que plus de cinquante français tombent en Afghanistan: «En 1710 le ministère des Colonies d’Angleterre m’a envoyé comme espion aux Etats islamiques tels que l’Iran, Egypte, le Hijaz et Constantinople. Mon devoir y était de récolter assez d’informations pour défaire les gouvernements islamiques. Neuf espions furent simultanément envoyés pour le même but. Nous étions soutenus par des projets précis et disposions d’un budget suffisant» 2. A lire, par les iraniens, au lieu de regarder un feuilleton de la chaîne de Murdock!

Notes

(1) «Observation sur le sentiment du beau et du sublime, Quatrième section, Des caractères nationaux pour autant qu’ils touchent au sentiment différent du Sublime et du Beau », édité à K?nigsberg, 1764.

(2) «In 1710 the ministry of England’s colonies sent me as a spy to islamic states as Iran, Egypt, Iraq, Hijaz and Constantine (today Turkey). My duty was to collect enough informations in order to be able to defeat islamic goverments. Simultaneously 9 other spys were sent to other countries for the same goal. We were supported by exact plans and enough budget.»

Par Pierre Dortiguier

Lundi 15 novembre 2010

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