On avait amené à un roi une jeune esclave chinoise. Dans un instant d'ivresse, il voulut en abuser, mais la jeune fille lui résista. Le roi se mit en colère et, par dépit, il la donna à un nègre dont la lèvre supérieure était retroussée jusqu'aux narines, tandis que sa lèvre inférieure pendait jusqu'à son collet. Son aspect était tel, que le dive Sakhra-Jinny en aurait été épouvanté. Enfin, une source de puanteur venait de ses aisselles. 
»On aurait dit que, 
jusqu'à la résurrection, la hideur avait franchi en lui ses dernières limites, 
comme la beauté les avait atteintes avec Joseph.»
Bientôt un désir irrépressible s'empara du nègre et le domina, et la jeune esclave fut violée.
Au matin, le roi chercha la jeune fille et ne la trouva pas. On lui dit ce qui s'était passé. Il entra dans une violente colère et ordonna qu'on liât fortement les mains et les pieds du nègre à ceux de la jeune chinoise et qu'on les précipitât du haut de la terrasse du palais dans le fossé. Un des vizirs, d'un naturel doux et humain, posa son front sur le sol en signe d'intercession, et dit: «Il n'y a point de faute chez le nègre, parce que tous les esclaves et tous les serviteurs du roi sont accoutumés à ses dons et à en faire usage.
— Mais, reprit le roi, s'il avait au moins attendu une seule nuit pour avoir commerce avec elle, aurait-il commis une faute?
— Ô seigneur! répondit le vizir, n'as-tu point appris qu'on a dit:
"Lorsqu'un homme altéré, dévoré par la soif 
Parvient à s'approcher d'une source limpide 
La vue d'un éléphant furieux ne l'effraie pas. 
L'hypocrite affamé respecte peu le jeûne 
s'il est seul, et s'il dispose d'un festin..."»
Cette façon de parler plut au roi: «Eh bien, je t'accorde le nègre! Mais que faire de la jeune fille?
— Rends-la au nègre, dit le vizir. Puisqu'il en a déjà mangé la moitié, autant vaut lui laisser le reste!
»N'accepte jamais pour ami l'habitué des mauvais lieux 
L'homme de cœur, aurait-il soif, ne voudra pas de l'eau
limpide qu'une bouche infâme a souillée.»