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  • 30/1/2008
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La quatrième guerre mondiale (5) : la stratégie de désarmement, de démobilisation et de réintégration (DDR)

   « Le Hamas a été déclarée une organisation terroriste par les Etats-Unis et l’Union européenne car il accepte le terrorisme et tue volontairement des innocents. La communauté internationale a expliqué à plusieurs reprises qu’elle voyait une contradiction fondamentale entre d’une part les groupes armées et les activités de guérilla et d’autre part la création d’un état démocratique »

Livre blanc sur la stratégie de sécurité nationale américaine

hamas

    Le désarmement des groupes de guérilla opérant dans le monde musulman fait partie des objectifs essentiels des Etats-Unis dans la région du Moyen-Orient. Après le 11 septembre 2001, les mouvements du Hizbollah, Hamas et Jihad islamique ont été inscrits dans la liste des organisations terroristes et les efforts pour les éliminer ont été accrus. La victoire du Hamas en Palestine a encore plus inquiété les Etats-Unis et le régime sioniste qui  ont dès lors accéléré leurs efforts pour les désarmer. 

L’assassinat douteux du premier ministre libanais au Liban et la volonté d’internationalisation de cette affaire par l’alliance du 14 mars ont permis de voter une résolution du conseil de sécurité appelant à désarmer le Hizbollah.

    Afin de justifier sa stratégie, les Etats-Unis cherchent à théoriser une stratégie de désarmement, de démobilisation et de réintégration (DDR). Il s’agit du fondement sur lequel s’appuie sa politique, qui a placé l’élimination de ces groupes de guérilla à la tête de ses priorités. Dans les documents stratégiques officiels, le sigle DDR n’est pas mentionné et seul le désarmement des milices ayant une activité efficace de guérilla est évoqué par les gouvernants à Washington.

 

Qu’est-ce que le DDR ?

 

    L’objectif principal du DDR est l’élimination des milices armées au moyen des forces gouvernementales et le retour des combattants de ces milices à la vie civile normale. Les programmes officiels de DDR trouvent leur origine dans les expériences conduites en Amérique latine sous mandat onusien en 1989. Cette activité devint une activité importante de l’ONU à partir de cette date dans les pays du Salvador, Mozambique, Angola, Libéria, Sierra Leone, Guatemala, Tadjikistan et Burundi. Le secrétaire général de l’ONU a donné un compte-rendu en 2000 sur les activités de DDR de l’organisation. 

Le désarmement consiste à retirer de la circulation les armes afin de restaurer le monopole de la détention d’armes à la police.

    La démobilisation consiste à entamer un processus de paix entre les protagonistes d’un conflit impliquant une démobilisation simultanée des forces en présence et un retour de ces gens à la vie civile. Cette étape implique de fournir une liste des combattants, d’aider financièrement ces gens à rentrer dans la vie sociale.

    La réintégration est un processus consistant à compenser les combattants et leur famille pour la fin de leurs services : cela implique une compensation financière, une formation et tout ce qui peut faciliter la réintégration à la vie civile. Ce processus de réintégration et de formation permet aux chefs de milice de distribuer entre les combattants les butins accumulés pendant la phase active de la guérilla.

 

Quelques précisions sur le DDR

 

    Le succès du processus de DDR dépend étroitement de la confiance que les combattants nourrissent à l’égard du fait que le DDR leur garantira sécurité et bénéfices matériels une fois le processus achevé. Le fait que certains combattants aient fait du statut de milicien un mode de vie et une profession rendra la tâche plus difficile encore. Le désarmement forcé contient potentiellement des dangers importants et il n’est généralement pas utilisé. Il est préférable d’agir en sorte que la valeur matérielle et le gain de sécurité procurés par les armes de guérilla baissent de façon à en diminuer l’intérêt. L’effort des organisations internationales et des pays tiers doit se concentrer sur le renforcement des capacités et des institutions nationales afin que ces dernières soient capables de faire face aux tensions une fois la présence internationale diminuée.

 

Le DDR dans le grand Moyen-Orient

 

    Le programme de DDR dans le grand Moyen-Orient concerne un certain nombre de groupes comme Abu Sayyaf, Al-Qa’ida, l’armée du Mahdi de Muqtada Sadr…Notre étude ici portera essentiellement sur le Hamas et le Hizbollah qui sont les deux principaux groupes qui font l’objet de pressions internationales très fortes.

    Le Hamas, même avant sa victoire aux élections législatives, avait des divergences de vue avec M.Abbas qui ont abouti à des échauffourées armées entre les partisans du Hamas et ceux du Fatah. Après la mort de Y.Arafat en 2004, l’arrivée à la présidence de M.Abbas a donné une nouvelle vie aux « négociations de paix » qui ont abouti à la feuille de route mais la condition posée par les israéliens était la fin des affrontements armés. Abbas ordonna à la police palestinienne de se déployer dans les villes frontalières (Bayt Hanun, Bayt lahyia, le camp de Jabaliya) afin d’empêcher le tir de roquettes « Qasam ». Les officiers palestiniens avaient ordre de tirer sur les miliciens réticents. Abbas, alias Abu Mazen, ordonna à sa police d’empêcher le transit d’armes à destination des milices à travers la frontière égyptienne. Sharon a toujours insisté sur le désarmement des milices mais, malgré les efforts de Abbas pour réaliser la revendication israélienne, les milices comme le Hamas et le Jihad islamique se sont vivement opposés à cette politique. La seconde vague de pression pour le désarmement commença après que le Hamas ait remporté les élections législatives palestiniennes avec 76 sièges sur les 132 que compte le parlement palestinien. Le Hamas avait déjà remporté les élections municipales où il avait démontré sa capacité de diriger les municipalités palestiniennes. Dès l’annonce de ces résultats, les Etats-Unis ont rompu le contact avec les autorités palestiniennes (issues du Hamas), ont annulé leur aide financière et ont restreint l’aide humanitaire à des cas très précis. En comparant la victoire du Hamas à celle de Hitler avant la seconde guerre mondiale, l’entité sioniste a posé trois conditions à tout contact avec le Hamas :

1. le Hamas doit désarmer et œuvrer au désarmement d’autres groupes

2. délétion de la clause de destruction d’Israël de ses statuts

3. reconnaissance de tous les accords entre Israël et l’Autorité palestinienne

    Le Hamas a refusé ces conditions et a signé l’accord de La Mecque avec M.Abbas afin de mettre sur pied un gouvernement d’union sous la direction d’Ismail Haniya.

    Concernant le Hezbollah, la résolution 1559 du Conseil de sécurité des Nations Unies a été voté sous la pression des Etats-Unis et enjoint aux points suivants : sortie des forces syriennes du Liban, désarmement des milices et respect entier de la souveraineté du Liban.  Après l’assassinat de Rafik Hariri le 14 février 2005, l’alliance du 14 mars dirigée par Said Hariri fit beaucoup d’efforts pour internationaliser l’événement et pour former une commission d’enquête. Dans le rapport de Detlev Mehlis, président de la commission, des membres du renseignement syrien et des dirigeants libanais sont accusés de l’assassinat de R.Hariri. Le Conseil de sécurité avait ordonné la création d’une commission d’enquête internationale le 7 avril 2005 sur la base de la résolution précitée.  Le rapport Mehlis a poussé nombre de libanais à protester contre la présence syrienne au Liban. Ces manifestations ont été soutenues par les Etats-Unis qui les qualifièrent de « révolution colorée », sur le modèle ukrainien et géorgien. Mais le Hezbollah ordonna une manifestation monstre à Beyrouth le 8 mars 2005 en soutien à la Syrie et accusa les Etats-Unis et Israël d’être les responsables des événements au Liban. Suite aux pressions internationales, la Syrie évacua son dispositif militaire du Liban si bien que la pression pour le désarmement du Hezbollah s’est accrue.

La manifestation de plusieurs millions de personnes en faveur du Hezbollah a empêché le désarmement de cette milice et prouva que cette milice bénéficiait du soutien actif du peuple libanais face à l’alliance du 14 mars dont est issu le gouvernement.

   Avec la capture de deux militaires sionistes le 6 juin 2006, le projet de désarmement du Hezbollah entra dans une nouvelle phase de nature militaire avec le lancement de la « guerre de 33  jours» contre le Liban et le Hezbollah. L’objectif de cette offensive était le désarmement et la destruction du Hezbollah. Mais l’infrastructure du Hezbollah resta intacte et son chef resta en vie, ce qui peut être considéré comme un échec cuisant. En Palestine, l’entité sioniste avait également assassiné des dirigeants des milices comme le Hamas (Ahmad Yasin, Abd al-Aziz Rantissi…) mais cette stratégie donna des résultats inverses et augmenta la popularité de ces milices parmi la population. Toutefois, les efforts pour désarmer le Hezbollah sont continus. La résolution 1701 du Conseil de sécurité des Nations Unies votées suite à la guerre des 33 jours insiste sur le désarmement du Hezbollah et l’interdiction d’équiper ces groupes en matériels militaires. Mais la faiblesse de l’armée libanaise et les succès enregistrés par le Hezbollah face à la menace sioniste rendent son désarmement moins probable qu’avant.

Seyed Hasan Huseyni

            Diplômé de l’Université Imam Sadeq - Téhéran

 

Source : HUSEYNI, Hasan. Aspects des stratégies politiques et culturelles des Etats-Unis au Moyen-Orient entre 2000 et 2008.

 

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