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  • 25/7/2009
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La Loi antivoile du 15 mars 2004: aux sources confuses de l’interdiction : ostentation ou appartenance? (2)

   Rien dans le texte légal ne permet de déduire d’un refus de se découvrir une quelconque orientation religieuse. Cette question peut paraître anodine alors qu’elle est en réalité d’une acuité non négligeable. Et ce particulièrement si on envisage le port d’un bandana, couvre-chef qui a l’avantage de satisfaire aux aspirations religieuses des élèves musulmans et de ne pas constitué une tenue ostensible religieuse. En effet, cet ornement (issu des milieux «bikers» américains) est traditionnellement porté par de nombreuses personnes (hommes, femmes, adolescents) sans qu’une quelconque identité religieuse puisse y être associée.

Il est donc par définition hors du champ d’interdiction de la loi. Néanmoins, la circulaire mentionne que « (…) la loi interdit à un élève de se prévaloir du caractère religieux qu’il y attacherait, par exemple, pour refuser de se conformer aux règles applicables à la tenue des élèves dans l’établissement.»

   Cette disposition mérite que l’on s’y arrête. Elle limite formellement le port de tenues communes tout en dotant l’administration d’une possibilité d’aboutir à ce qui est une interdiction générale et absolue, l’interdiction de tout couvre-chef. Ce faisant, elle traduit bien la volonté de ses rédacteurs qui ont entendu relativiser les permissions expresses qu’ils établissent, conscients de leur incapacité, en fait comme en droit, à les interdire (ou alors quitte à imposer le port de l’uniforme pour tous, solution ayant au moins le mérite de la cohérence). C’est exactement à quoi renvoie la circulaire quand elle fait référence aux «règles applicables à la tenue des élèves dans l’établissement ». Ces dites règles doivent figurer dans le règlement intérieur propre à chaque établissement: or, ceux qui ont prévus une interdiction de tout couvre-chef se trouveront en quelque sorte couverts par la circulaire d’application qui procède par renvoi à leur égard. Ceux qui, à l’opposé, ne prévoient aucune interdiction de ce genre, se contentant de celle des signes ostensibles, ne pourront arguer d’un quelconque refus de se découvrir pour initier une procédure disciplinaire. En quelque sorte, de deux choses l’une: soit le règlement intérieur prévoit l’interdiction de tout couvre-chef, auquel cas les enseignants allègueront la disposition de la circulaire en cause, soit il ne la prévoit pas et auquel cas, le fondement de l’exclusion devient juridiquement inopérant.

françois fillon en compagnie du premier ministre sioniste netanyahou (2009)

   Dans l’absolu, il ressort de la circulaire ou d’interventions publiques de responsables de l’Education Nationale que c’est le fait d’invoquer une conviction religieuse, et non le refus de l’enlever, qui fera du port d’un bandana, un port ostensible et du bandana, un bandana « religieux». Il est donc évident que l’élève n’a en aucun cas intérêt à faire valoir ses motivations religieuses. Soit dit en passant, qu’il nous soit permis de mettre en évidence une ressemblance avec la circulaire de 1994, initiée par le ministre de l’éducation d’alors, François Bayrou. L’on se rappelle que le Conseil d’Etat, appelé par l’association Un Sisyphe à se prononcer sur l’illégalité de cette circulaire, avait en substance renoncé à juger de sa validité.

 Alléguant de l’absence de grief dont pouvaient se prévaloir les requérants à qui elle s’appliquait, en ce sens qu’elle ne créait aucun droit et ne modifiait donc pas l’ordre juridique, il avait alors débouté l’association plaignante.

   Certes, formellement, le texte de la circulaire ne créait effectivement aucun droit nouveau ni n’en enlevait aucun. Mais sa rédaction, consciencieusement effectuée, incitait les enseignants à appliquer le droit à l’envers, induisant alors une application contra-legem de sorte que les professeurs en venaient à croire à tout le moins à la légitimité, voire à la légalité de leur action. Par un certain parallélisme des formes, la circulaire du 18 mai 2004 procède de la même façon, au moins en partie puisque cette fois, la loi a changé radicalement d’orientation. Dans son esprit du moins, elle est de nature à créer une confusion dans les pratiques des personnels en charge de sa mise en pratique, désordre dont on n’a de cesse de rappeler qu’il aura pour traduction la prohibition de toute tenue à connotation religieuse par les élèves musulmans.

manifestation de soutient au foulard et d’abolition de la loi du 15 mars 2004

   La technique utilisée est subtile. Dès que la circulaire relativise le périmètre d’application de l’interdiction posée par la loi, en précisant par exemple que les signes discrets sont permis ou encore que les tenues à l’aspect commun perdent leur dimension religieuse et échappent à la loi, s’ensuit immédiatement une mention dénaturée, non interprétative, qui vient à son tour nuancer l’affirmation précédente.

Ainsi est-il précisé que «la loi est rédigée de manière à pouvoir s’appliquer à toutes les religions et de manière à répondre à l’apparition de nouveaux signes, voire à d’éventuelles tentatives de contournement de la loi» ou encore qu’« en revanche, la loi interdit à un élève de se prévaloir du caractère religieux qu’il y attacherait, par exemple, pour refuser de se conformer aux règles applicables à la tenue des élèves dans l’établissement».

Sources:

Islamophobie.net

Wikipedia.org

http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/034000725/0000.pdf

Article Relatif:

Loi antivoile du 15 mars 2004: une interdiction reposant sur un procès d’intention (3)

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