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  • 14/9/2008
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L’enfance de Rousseau et de Stendhal à travers leurs œuvres (2)

stendhal

b) Le portrait de Stendhal dans la Vie de Henry Brulard

   Un jour se trouvant sur le mont Janicule à Rome, où le "soleil magnifique" brillait. Stendhal se pose cette question: "Qu’ai-je donc été? Je ne le saurais jamais". Le seul moyen digne de confiance qui pouvait l’aider à se connaître ne saurait être que l’écriture. Voilà pourquoi on peut dire que l’œuvre entière de Stendhal n’est peut-être qu’une grande autobiographie où la matière de la vie est présente à chaque page. Quinquagénaire. Stendhal se penche sur son passé parce qu’"il [était] bien temps de [se] connaître". Homme de politique, de lettre et de musique, critique de peintre, biographe, italomane, amoureux de l’amour et du bonheur. Stendhal met la main sur un travail assez périlleux dans le labyrinthe sombre et âpre des souvenirs d’enfance. Celui qui se cachait jusque là derrière 230 pseudonymes, décide de se déchiffrer.

Il fait de son œuvre le miroir d’une âme où se reflètent, son ciel d’azur et sa terre de bourbiers. Il fouille dans le monde sans frontière de ses souvenirs, dans l’obscurité de ses premières années d’existence, l’origine de sa personnalité et de ses goûts.

   Si le souvenir du bonheur n’est plus du bonheur, celui de la douleur est encore pour lui de la douleur. Il se rappelle le jour où son père l’a revêtu d’une sorte de manteau noir et l’a lié autour du cou d’où le commencement du malheur, le règne de la tristesse et du deuil universel, le triomphe de la tyrannie, la laideur et la répugnance du père. Ses années d’enfance qui pourraient briller de leur lumière sont dominées par la mort, la laideur, l’atrocité et leur couleur noire. (Premier livre des Confessions, in Lettres d’occident. Neuchàtel. La Baconnière. 1958, p. 184). Il peut être l’enfant devant un dieu c’est à dire un être divinisé mais aussi devenir dieu.

Le paradis de Jean-Jacques peut être la chambre de tante Suzon, la Campagne  de Bossey, le verger des Charmettes. Mais il connaît de courts moments délicieux dans ces paradis puisque le malheur et la persécution le rejoignent bientôt.

   Le paradis peut être de même le règne tranquille de la Présence qui permet l’accord de l’enfant insouciant et de Dieu qui omniscient. L’enfant et Dieu échappent à la succession du temps parce qu’ils existent dans l’instant où ils se joignent. Rousseau se dira "insouciant comme un enfant ou impassible comme Dieu même" (L’oeil vivant, p. 78). Il est au niveau le plus bas et au sommet de l’activité spirituelle, dans l’abandon enfantin et dans l’identification avec Dieu, chez Rousseau comme chez les mystiques, le supérieur et l’inférieur sont capables de coïncider.

rousseau

    En feuilletant les pages d’or des souvenirs d’enfance, Rousseau réfléchit aux procédés éducatifs par lesquels il s’est formé. On sait qu’il se montrait soucieux de l’éducation de l’enfant (Emile en témoigne) et il se donnait pour but de la développer en respectant la nature pure de l’enfance: l’influence des livres et des héros, des milieux et des maîtres, celle des "sentiments tendres, affectueux, paisibles" formaient le fond de son caractère. Il essaye d’analyser la méthode éducative par laquelle il s’est formé, pour trouver des traits qui avaient contrarié son caractère et qui contrariaient généralement, la nature enfantine. Il écrit à ce propos: "la tyrannie de mon maître finit par me rendre insupportable le travail que j’aurais aimé, et par me donner des vices, que j’aurais haïs, tel que le mensonge, la fainéantise, le vol". Selon Rousseau, le comportement d’un maître est si délicat qu’il a même le pouvoir de brimer les sentiments purs et les talents remarquables de l’élève.

   Puisque Rousseau est un autodidacte, il s’intéresse à l’organisation d’une méthode instructive. Il préfère étudier le latin, la géométrie et la philosophie le matin, la géographie et l’Histoire après le déjeuner car ces dernières n’exigent pas une réflexion approfondie.

Il avoue qu’il n’a pas pu faire en même temps l’apprentissage et les occupations champêtres. A son avis, il ne faut pas "faire à la fois deux ouvrages" et il n’arrivait jamais à les bien accomplir parallèlement.

   On dirait que Rousseau écrit l’histoire du bonheur perdu de son enfance, colorée des peines et des joies, et celle de l’enfance de l’humanité, comme des époques mythiques du bonheur innocent que la société brise. Celle-ci l’oblige à dissimuler son désir, à mentir et à affronter l’injustice.

Azadeh Beh-Azine

Source:Revue Le Pont, N:4, été 2007, PP.19-20.

 

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