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  • 6/12/2008
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Crise financière (16): élaboration d’un système financier

changer de système…

   Un système financier est une alliance d’aspects différents, partageant une caractéristique commune: le phénomène social.

Le phénomène social n’est autre que la prise de conscience d’une banalité antique: l’homme est un animal social.

   Ceci dit, on a tout dit, c’est-à-dire, rien dit du tout. Qu’est-ce qu’un phénomène social, si ce n’est dans notre perspective, la conscience collective de la participation d’individus à un ordre social, mus par un intérêt partagé à s’organiser ensemble, en vue de satisfaire des besoins pas nécessairement convergents, en fonction de circonstances exogènes relativement comparables, et dans un cadre cosmologique et biologique imposé. Ceci posé, on en revient à un leitmotiv de la réflexion en science humaine, qui est de transformer la problématique en question: dis-moi ce que tu penses et je te dirais ce que tu dois penser de ta réponse. Il y a donc, c’est un fait, un caractère irrémédiablement introverti dans la réflexion sociale. Nous sommes contraints à nous penser "individus", avant d’être société, et "croyants", avant de devenir citoyens. Nous ne pouvons amputer notre raisonnement d’un questionnement sur soi, sur ce que l’on croit et ce que l’on veut. Et cela s’appelle, quoi qu’on en dise par ailleurs, l’idéologie et la foi. Il est réellement surprenant de voir naître des concepts téléologiques sur un fondement matérialiste, alors que la finalité est par définition immatérielle. Il n’est pas lieu ici de développer cette question.

téléologie matérialiste

   Nous retiendrons par commodité, que toute élaboration doctrinale et systémique s’appuie sur une vision du monde et une foi. Précisément, nous choisissons ici la vision et la foi islamiques. Il ne s’agit pas, évidemment, d’imposer une lecture unique de l’islam, mais d’extraire des sources primaires de l’Islam, une opinion sincère et acceptable. C’est ici qu’intervient la logique, qui est "la science posant des règles destinées à éviter toute erreur dans le raisonnement". Nous ne pouvons non plus ici, nous étendre sur cette question. Il suffit à ce stade d’accepter les méthodes syllogistiques et inductives comme outils essentiels de la réflexion. Nous détenons donc théoriquement, une volonté sociale, c’est-à-dire la motivation innée et puissante des être humains à vivre ensemble, une idéologie et enfin, une logique.

   Ajoutons qu’un système financier est en proie aux plus vives passions, car il prétend gérer la matérialisation d’un des plus instincts les plus puissants, d’autant plus dangereux qu’il est naturel, et enclin à la vilénie. Il s’agit du sentiment de la possession, juridiquement adapté en ce qu’on appelle le droit de la propriété. La propriété, ici-bas, est un droit reconnu par le Législateur, mais il n’est pas absolu, ni dans sa définition, ni dans les circonstances qui régissent son usufruit.

La propriété est fiduciaire, car elle repose sur une délégation de pouvoirs accordée par le Créateur à sa créature, sous forme d’un mandat (khilafa) qui n’est valable qu’autant que la créature obéit à son Créateur. 

   Par ailleurs, l’usufruit ne saurait causer la destruction du bien-même sans raison valide, ni de la gêne à autrui. En tout état de cause, le concept de propriété est strictement encadré par les dispositions légales composant le droit canon islamique (shari’a). Le système financier est destiné, nous l’avons vu, à réaliser les objectifs suivants: organisation du système monétaire, incluant la mise en place d’une unité de compte, d’échange et de réserve; mise en place d’un système d’allocation efficace des capitaux; préservation du patrimoine financier et non financier, biens meubles et immeubles des administrés. Un bon système financier devra être capable de produire de la richesse et de la préserver dans le même temps. Or, production de richesse et préservation de richesse ne sont pas des objectifs obligatoirement cohérents, ils peuvent même être opposés dans certains cas. Cela est connu des théoriciens monétaires, qui y ont vu un dilemme. Mais c’est également vrai dans la sphère productive, car on ne crée pas de richesse, on en produit. La différence entre création et production de richesse vient de ce que création signifie formation d’une richesse ex nihilo, alors que production signifie formation d’une richesse accompagnée de la destruction ou, si l’on préfère, de la consommation d’autres richesses. C’est la prise en compte de ce dilemme, à l’amont du processus d’élaboration du système financier, qui permettra de donner aux problématiques environnementales par exemple, l’importance critique qui lui manque nécessairement sous régime capitaliste. Toutefois, il serait erroné de concevoir un système, de quelque nature qu’il fût, de manière entropique car ce n’est pas conforme à l’idéologie islamique. Si l’on accepte que le monde a été créé, qu’il change, qu’il se transforme, comment considérer dès lors qu’il fût fermé, comment tracer l’origine de l’énergie déployée par les phénomènes célestes? Qu’on considérât  cette énergie comme résultant d’un processus complexe de transformation de la matière ou comme toute autre chose, il y a à l’origine de cela une énergie première qui nous conduit à penser qu’aucun système n’est complètement fermé. De toute façon, qu’un système soit fermé ou ouvert, est une chose qui nous importe moins que le fait qu’il soit soumis à une force perpétuelle de changement. Mais ce changement perpétuel, nous ne le qualifierions pas de désordre, car sans un ordre spécifique des choses, pas de système. Nous lui préférons le terme de progrés. Car un progrès indique deux choses: le changement et la perfection, ce qui est plus conforme à notre idéologie. Nous disposons désormais d’un système porté par un phénomène social, orienté par trois objectifs, défié éventuellement par un dilemme production-préservation  et animé par ce qu’on qualifierait de progrès entropique ouvert.

de quelle entropie parlons-nous?

   Car nous sommes bien contraints d’accepter, à un certain point, l’idée d’entropie, en tant qu’elle conditionne l’existence même d’un système d’une part, et la théorisation d’un équilibre d’autre part. En effet, le progrès perpétuel ne signifie pas à notre sens, absence totale d’équilibre, au contraire. Car l’équilibre est par définition une position fragile, déterminée des forces déséquilibrantes, dans le sens où elles s’exercent dans un sens différent. Il peut donc bien simultanément y avoir changement et équilibre, mais un équilibre changeant et en constante redéfinition. Par conséquent, dans un tel contexte, l’univers des possibles exige la possibilité de plusieurs équilibres potentiellement faisables, mais effectivement réduit à un seul, sous l’effet de la réalité compléxe. On obtient alors la conclusion critique suivante: tout équilibre supposé, est à la fois une trahison de la réalité objective, car il ne fait que traduire une simplification théorique, et en même temps n’exprime, à un instant t, qu’une des possibilités d’équilibre que le progrès destine à une inéluctable et permanente redéfinition. De cela, il découle automatiquement une conséquence pratique: on ne saurait penser un équilibre systémique qu’en terme dynamique, et non pas statique.

La dynamique permanente à l’œuvre dans le système financier n’est donc pas un désordre, mais il n’est pas non plus un équilibre, dans le sens où il est intrinséquement instable.

   Il n’y a là aucune raison à déplorer ce qui pourrait apparaître comme un insurmontable obstacle épistémologique. Quelques mauvaises langues pourraient avancer que s’il en est ainsi, si le système n’est in fine que déséquilibre, pourquoi porter le système capitaliste néo-libéral aux gémonies, pour cause de crises financières répétées?  Mais il se trouve une différence fondamentale entre notre conception et ce qui se passe en régime capitaliste usuraire. En effet, dire que le système vit en permanence une succession de changements d’équilibre, ne signifie pas qu’il en manque complétement, ou que l’on doive congédier les principes logiques les plus élémentaires, à la tête desquels se trouve le principe d’absence de contradiction. En effet, la question capitaliste doit sa réponse au respect de principes logiques reconnus: comment s’étonner par exemple, que le système usuraire soit agité par les phénomènes monétaires contradictoires de l’inflation et de la déflation, à des périodes cycliques régulières, quand on connaît les effets indésirables et inexpugnables qu’il génère en matière de création monétaire? Là encore, il s’agit donc pour nous de circonscrire cette dynamique du changement, à hauteur du caractère endogène et autoréalisant qui la caractérise. En d’autres termes, nous nous confrontons à la dynamique évoquée plus haut selon trois étapes: connaître l’équilibre dynamique, déterminer son caractère endogène et exogène, enfin, réduire autant que se peut, l’ampleur de la dynamique à son caractère exogène et incontrôlable…

quel moyen-terme entre équilibre et changement?

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